Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

COIFFE BRETONNE

  Retour page d'accueil  

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

La coiffe bretonne : Son origine. — Ses variations à travers les siècles. — Ses mutilations et sa prochaine disparition. 

I.— Classes sociales

Vers le milieu du XIXème siècle, la coiffure des Bretonnes avait encore conservé, dans les petites villes, les signes distinctifs des classes de la société.

Le Chapeau, avec son armature de feutre, de carton ou de paille, était l'attribut exclusif de la noblesse.

Le Bonnet, à rubans de couleurs variées, posé sur la chevelure en bandeaux, appartenait à la classe bourgeoise, celle des gros commerçants.

La Coiffe blanche, bonnet aux ailerons absents, au fond, élargi ou approfondi, pour enclore la chevelure, indiquait l'artisane des petites villes, la femme du patron ouvrier, celle des petits boutiquiers.

La Coiffe paysanne, aujourd'hui autant variée qu'il y a de paroisses, quoique sortie d'un type unique, appartenait, seule, à la campagnarde, la femme du laboureur de la terre.

Ces divisions étaient si bien tranchées si bien respectées dans chaque classe, qu'un proverbe a pu dire. —  « Il n'y a à quitter le costume de sa mère, que la fille qui a forfait à son honneur ».  Un dicton breton, aussi énergique que le latin, qui, cependant, «... dans les mots brave l'honnêteté. » a également stigmatisé la paysanne quittant sa coiffe blanche pour prendre les modes de la ville. —   « Hon-na' n euz chansed kis. Troed he reor e bourc'his ! ». Nous donnons, de ce dicton, une traduction ad usum delphini. — « Fille qui a quitté son costume, est bourgeoise, de dos, seulement ».

Cependant, dans la classe bourgeoise, la demoiselle était, parfois, admise à prendre le chapeau. C'est quand le père, gros commerçant, pouvait s'intituler négociant.

Mais cette transformation du bonnet à rubans en chapeau, ne se faisait pas sans critique. La jeune fille, qui changeait ainsi de classe, tombait sous la langue du monde. Le dimanche de Pâques, autrefois, dans toutes les paroisses, on inaugurait les habits neufs, et, pour la première fois de l'année, des souliers de cuir, pour aller à la Grand'messe. La bourgeoise déguisée obéissait aussi à cette ancienne coutume. Mais, quand, au milieu de la foule, pour atteindre sa chaise au haut de l'église, elle s'avançait, angoissée et rougissante, peut-être aussi bravant, sous les bords de son premier chapeau, son coeur, certes, n'était pas à l'unisson de l'Alleluia de la fête. Elle savait que la paroisse entière passait en revue sa mise, et que la rumeur publique désapprouvait.

Plus tard, quand le chapeau n'ombrageait plus que des cheveux blancs, si la bourgeoise déguisée, oublieuse de son origine, s'avisait de dire : — (ce que nous avons entendu : ) « Pour moi, je suis née en chapeau ! ». On ne se faisait pas faute de lui insinuer qu'elle  « sortait de derrière un comptoir ».

Ce compromis entre les deux premières classes existait aussi entre la classe des artisanes et celle des bourgeoises.

Cependant l'artisane gardait mieux les distances. Elle acceptait bien la robe, le camail, les franges de la bourgeoise. Mais jamais elle n'aurait osé ajouter, même un discret ruban de couleur à sa coiffe blanche. Mais cette coiffe blanche s'ornait de broderies, de dentelles de toutes provenances, dont les relations maritimes facilitaient l'introduction. Les vieilles armoires, en chêne sculpté, ont ainsi contenu des trésors aujourd'hui insoupçonnés. Avant la Révolution, l'artisane cossue portait, même à tous les jours, la longue cornette blanche, que l'on ne retrouve plus qu'aux plus grandes solennités religieuses et aux mariages.

La paysanne, seule, savait garder intacts le costume et la coiffe de sa paroisse, portés par ses aïeules. Cette coiffe blanche, en toile de ménage, oeuvre de sa main, encadrait et ombrageait si bien sa figure ; et les volutes de ses mentonnières retroussées tombaient si naturellement et si gracieusement sur ses épaules. La paysanne d'autrefois avait le sens inné de l'esthétique.

Bien différente est cette large coiffe en toile de ménage, d'autrefois, de la minuscule coiffe, en tissu léger, à laquelle la paysanne d'aujourd'hui, de tendance citadine, donne la raideur et le disgracieux d'un huit de chiffre, à force d'empois et de borax.

L'étude de la coiffe bretonne, attribut exclusif de l'artisane et de la paysanne, sera le but de cette notice.

II.— Caractère religieux de la coiffe bretonne

La coiffe blanche n'appartient pas, exclusivement, à la Bretagne. On la retrouve en différentes contrées éloignées et sans relations suivies entre elles particulièrement la Suède, la Norvège, la Hollande, où plusieurs types de coiffes rappellent celles des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor).

En Savoie, aussi, on a remarqué — « les costumes traditionnels des Mauricennaises et notamment des femmes des Villars, dont la large cornette empesée rappelle à la fois la coiffure de certaines religieuses et celle de la majorité des Bretonnes » (Revue des Traditions populaires, 1912, p. 82).

Du reste, le mot coiffe n'est pas d'acception bretonne. Il dériverait soit de l'allemand Kopf, tête, ou de la basse latinité coffia, cufea. Cette dernière acception se trouve dans un passage de la vie de Sainte Radegonde, dans laquelle Fortunat rapporte que la princesse, en voyage, s'arrêta dans une église. Là, touchée de la sainteté du lieu, elle déposa, en offrande, sur l'autel, ses camisas, manicas, cufeas, ses tuniques, ses manchettes, ses coiffes.

Il est donc impossible, à cause de la diffusion de la coiffe blanche, de connaître la région dans laquelle elle a pris naissance. Il est même probable que cette origine est multiple : la coiffe ayant dû se créer partout où l'industrie du lin était connue. Quand à la similitude de forme, dans des régions éloignées, cela s'explique par les mêmes nécessités climatériques qui ont exigé un même indumentum capitis, et aussi par le voisinage et l'influence des communautés religieuses, éparses en tous lieux et autour desquelles se sont groupées les populations.

Le caractère religieux reconnu à la coiffe savoisienne est encore plus évident dans l'ensemble des coiffes bretonnes. L'étranger qui a vu un pardon de Bretagne, assisté à une assemblée, à une foire, rencontré un groupe de femmes endimanchées ou en deuil, procédant à une neuvaine ; s'il a, surtout suivi, à travers les campagnes, le défilé d'une procession de la Fête-Dieu ou des Rogations, cérémonies pour lesquelles toute idée de coquetterie est exclue de la mise, éprouvera cette première impression : — « Le costume noir de la femme, surmonté de la coiffe blanche, ballante, rappelle, dans son ensemble, les anciens costumes monastiques ». Cette impression se trouvera encore renforcée par l'attitude réservée, ou recueillie, des femmes, en harmonie avec leur costume. C'est un sentiment inné chez le Breton, impressionniste, que son âme soit toujours à l'unisson avec l'ambiance de son corps.

Ces observations répétées, dans un grand nombre de paroisses, même éloignées les unes des autres, amèneront encore à cette autre conclusion que nous avons maintes fois entendu formuler : — « Les coiffes de Bretagne, quels que soient leurs types, ont, toujours, une ligne, une disposition, une coupe, une pièce quelconque qui sont, à toutes, communes ». — De là on peut déduire, à l'encontre du vieux dicton, Kant bro, kant kis, .... Cent pays, cent coutumes...  — « que toutes les coiffes bretonnes, si variées actuellement, ont une origine commune, et dérivent d'un même indumentum capitis ancien ».  — Le type primitif de la coiffe bretonne a été créé par l'agencement, ou l'adjonction, de la cuculle et du voile auxquels on a donné la forme plutôt monastique que laïque.

III.— Anciens vêtements de tête : le bardocuculle ; le voile

Le P. Héliot, rapporte que, partout, les ordres religieux primitifs ont adopté des costumes semblables à ceux des populations pauvres au milieu desquels ils s'établissaient. Ainsi les chefs religieux, conducteurs d'émigrations de la Bretagne insulaire, en Armorique, portaient les costumes civils des Scots et des Hibernois. Cet usage s'est continué lors de la création d'ordres religieux nouveaux. 

Nous ne citerons que l'ordre des Soeurs Blanches du Saint-Esprit, fondé par Jan Leuduger, en 1706. Ces religieuses portent encore vers 1912, sauf la couleur, le costume des paysannes de Plérin, tel qu'il existait au commencement du XVIIIème siècle. 

Plusieurs textes anciens nous ont fait connaître les habillements des moines émigrés de la Grande-Bretagne. C'étaient : (Voir Vies de Saint-Cado, Saint-Malo et cartulaire de Landévennec : La Borderie : Histoire de Bretagne, tome Ier, page 514, notes)

1° La Cappa, appelée aussi cuculla, coccula, sorte de surtout épais fait d'une grosse étoffe de laine laissée dans sa couleur naturelle et munie d'un capuchon. Elle recouvrait la tête et les épaules. C'était le vêtement d'intérieur qu'on déposait pour se livrer aux travaux des champs. 

2° Le Palliolum, appelé parfois Pallium, ample manteau enveloppant le corps, et qui se prolongeait en un capuchon. Une seule couture, au milieu du dos, et un capuce, reliait les deux peaux ou les deux pans d'étoffe qui entraient dans la composition de ce vêtement. C'était le vêtement de l'extérieur servant en voyage. 

La pointe du capuce de la cuculla était ornée d'une mèche ou d'une touffe de poils, tel l'ancien bonnet Kukurluk du Cap-Sizun. 

Ces deux vêtements étaient des dérivés du manteau gaulois, dont le poète latin Martial indique l'origine en lui donnant le nom de Bardocuculle de la Saintonge. Les Romains portaient aussi un manteau ressemblant au Bardocuculle ; ce vêtement, appelé cape illyrienne ou Bordaïque, était porté par tous les colons de la campagne au IIème siècle. 

Les Gallo-Romains également quittèrent bien vite la toge romaine, si incommode avec ses six aunes pleines d'étoffe, et restèrent fidèles à leur costume national. 

Le Musée de Moulins possède de nombreuses statuettes  reproduisent différents types de Bardocuculles. 

Lors du repeuplement de l'Armorique et la reconstitution de la nationalité bretonne, le vêtement, le manteau, ou camail à capuchon, le Bardocuculle était répandu partout. Il était commun aux deux sexes, et s'est perpétué jusqu'à nos jours. 

Ainsi, c'était le sac, ou pluvial que François Le Su portait, au bras, en 1641, lorsqu'il se présenta, devant le Chapitre de Quimper, pour être admis à la prêtrise. C'est encore aujourd'hui la cape du Béarn et des Landes ; le patin Keign-oc'h de Pont-l'Abbé et le sac Pen-Oc'h du Cap-Sizun, au commencement du XIXème siècle, et que porte la vieille mendiante du Musée ethnographique de Quimper (n° 34) ; puis, en réduction, la capeline pointue des femmes de Khor, à Khuon, près de Brest ; le capuchon avec camail de Plogastel-Daoulas et des paysans de Guissény. 

Outre le capuchon, les femmes portaient parfois le voile. Il était considéré comme l'emblème de la virginité. De temps immémorial, la jeune mariée romaine était conduite à la cérémonie nuptiale, la tête couverte d'un voile. Il devint aussi le vêtement de tête des religieuses. Le P. Héliot rapporte que saint Mel donna le voile à sainte Brigitte d'Irlande. On suppose que ce voile était noir. Mais ordinairement il était de lin : d'où le nom de Linea (sous-entendu : Vestis), donné au voile blanc. 

Le voile n'était pas l'attribut exclusif des religieuses. Les jeunes filles chrétiennes que leurs parents vouaient à Dieu, sans pour cela les éloigner de la maison paternelle, portaient aussi le voile. Leur consécration était comparée à un mariage avec le Christ. Le voile était donc un vêtement laïque, aussi bien que religieux. 

Par dessus le voile, comme vêtement pour l'extérieur se portait le Pallium avec capuchon. Le Pallium changea alors de nom ; il devint la super lineam, le vêtement qui recouvre le voile blanc, la supellinen bretonne.

Plusieurs décisions des conciles avaient d'abord obligé les femmes à se présenter à la Sainte Table, la tête toujours voilée. Plus tard, la discipline devint encore plus sévère, et le voile fût de rigueur pour assister aux offices, même pour entrer dans l'église. — « La femme n'était point faite à l'image de Dieu » ; expliquaient les Vieux liturgistes, — « c'est par elle que la prévarication a commencé sur la terre ».

Le voile devint alors commun. Les prêtres le donnaient aux veuves et aux religieuses, sans avoir consulté l'évêque ; et les autres femmes se voilaient elles-mêmes pour avoir un prétexte de servir quelque église. Le concile de Paris, en 829, fit cesser ces abus.

Alors, devant cette double condamnation et le stigmate qu'on lui imposait, que fit la femme ? Son embarras ne fut pas long. Elle mit d'accord les deux décisions et, cela, au seul point de vue de son agrément.

En France, sous Charles Le Chauve, le Pallium fut converti en voile.

En Bretagne, la linea et la super lineam, supellinen, furent réunies en un seul vêtement de tête, qui est la première coiffe bretonne, tenant, du Pallium, son capuce et son camail, et, du voile, sa visagière.

Cependant le voile persista. On le retrouve encore dans les coiffes bretonnes de gala ou de cérémonies.

 

IV.— La coiffe bretonne : définition ; constitution

Nous définirons la coiffe bretonne : « Un vêtement de tête à forme et à destination d'habit religieux ».

Elle possède donc un double caractère : c'est d'être une garantie du corps, tout en présentant une forme modeste qui n'exclut pas l'élégance.

Les étoffes qui entraient dans la composition des coiffes primitives étaient des plus grossières.

Le voile des femmes de basse condition était fait de filasse de lin. La toile fine était un objet de luxe. En 871, Jérémie évêque de Vannes, envoya en présent au pape, au nom du roi Salomon, trente tuniques de lin fin.

La cape se composait d'un tissu de laine brute avec filasse de chanvre. Les anciennes étoffes brunes des chupens des pillaouers, et les lien-pillou des cotillons et des tabliers de travail, des femmes en donneraient une idée.

C'était peu pour satisfaire à la coquetterie innée chez la descendante d'Eve ; l'ancienne société laissait si peu de place à la femme de basse qualité.

Mais celle-ci a su donner au Camelin de sa supellinen, drap de laine fauve sans teinture du temps de Saint-Louis, et à la toile d'étoupe de lin de son voile, des coupes, des froncis, des agencements, des dispositions qui ont déterminé le Velum caperatum, le voile capelé, la coiffe bretonne. ( Fig. 1.) 

Coiffe de Bretagne

En gardant ses troupeaux et aux veillées d'hiver elle s'est adonnée aussi à tirer de sa quenouille des fils de plus en plus ténus ; si bien que la grosse toile de chanvre — « grosse comme un sac de moulin » — devint, après le XVIème siècle, la belle toile de ménage qui a conservé à la coiffe bretonne, sa forme archaïque et en fait aujourd'hui la plus esthétique de toutes les coiffes.

 

V.— Voile et Cuculle

Quelles étaient les dispositions du voile et de la cuculle dont la réunion a créé la coiffe ?

Au IXème siècle, le voile chez les princesses, parait avoir été talaire. Dans les classes inférieures, ses dimensions devaient être moindres : probablement l'aune. C'est, du reste, la mesure que l'on retrouve, avec le mètre actuel, la petite aune, dans beaucoup de coiffes non mutilées. Quelle que fut sa dimension, le voile se portait simplement sur la tête et enveloppait le corps par arrière. Les bords formaient des plis sur la face et ces plis étaient retenus sous les bras par devant.

Le capuchon du Pallium, d'après Dom Claude de Vert, — « était, à l'origine, un capuce servant à couvrir la tête ; proprement un coqueluchon, cucullio, ou cucullus du mot grec Koukoulion, et en premier lieu, Kuklos, qui veut dire un cercle, parce que ce capuce, ou capuchon, couvrant la tête, forme en effet un cercle autour du visage. ».

Les épaules, la tête et la poitrine étaient donc garanties par le capuchon ; le visage encadré et ombragé par le voile.

Pour obtenir ces résultats, la coiffe a pris, au Pallium, sa forme, et au voile, son étoffe, dans toute sa grandeur.

 

VI.— Formation de la coiffe

Pour former la coiffe, le voile a été scindé en quatre parties : (Fig. 2).

Coiffe de Bretagne

L'une a servi à la visagière ; les trois autres, au fond et au camail.

La visagière, (bisachen), après avoir encerclé la face et garanti la tête, se prolonge, en deux ailerons pendants sur la poitrine. Elle est double ; un retroussis se rabat pour ombrager la figure, ou se replie sur la tête.

Le camail, (chouken), élargi par les deux triangles d'étoffe les kouign, encoignures ajoutées à sa base, protège l'arrière de la tête, le cou et les épaules.

La ligne qui attache la partie supérieure du chouken, à l'arrière de la visachen, s'appelle le teon, ou deon, l'épaisseur ou doublé.

Le capuce n'existe pas. Le camail, simplement attaché par quelques points de couture à l'arrière de la visachen, pend, dans toute sa longueur, du sommet de la tête sur les épaules.

Le Kuklos, cercle, était obtenu par deux lacets : tantôt attachés au bord antérieur de la visagère et se nouant sous le menton — ancienne coiffe de Taulé, XVIIIème siècle (musée de Keriolet) ; tantôt le lacet attaché à l'arrière du camail, à la hauteur de la nuque, est ramené en avant du cou pour y être fixé (ancienne coiffe de Pleyben).

Plus tard, le capuce s'est constitué par une coulisse serrée à la nuque ; c'est, sans doute, la Frole mentionnée aux comptes d'achat de lingerie d'Anne de Bretagne. La frisure faite par cette coulisse à l'arrière de la coiffe, faisait saillir, transversalement au sommet de la tête, ainsi des cornes, les deux coins supérieurs de la chouken. La poche ainsi faite pour enserrer la tête, s'appelle le Strad, le fond, ou capuce, et les deux cornes saillantes aux deux extrémités du deon, les Kern, les cornettes.

La supellinen et la coiffe blanche présentent, toutes les deux les mêmes parties et les mêmes divisions. (Fig. 3.) 

Coiffe de Bretagne

Dans la coiffe, nous aurons à étudier :

1° la visachen ;

2° la chouken ;

3° le strad ;

4° le deon ;

5° le kern.

 

VII.— La visachen. — La Visagière

La Visagière, c'est l'ancien voile qui donne à la coiffe bretonne, son caractère religieux. Elle en a gardé la simplicité et l'élégance.

Elle se rabat modestement sur la figure et choit sur la poitrine quand la femme entre à l'église, ou en signe de deuil.

« Perag m'eo dibrenn ho koeffou ?.

— « Pourquoi vos coiffes sont-elles pendantes ? » 

demande, dans la ballade de Luzel. — « an aotro ar c'hont » — à ses servantes éplorées, la jeune comtesse à qui l'on veut cacher la mort de son mari.

Les extrémités de la visachen se retroussent aussi, en gracieuses volutes, sur la tête, dégageant les mouvements du cou quand la femme se livre à ses travaux.

Par sa blancheur elle atténue le hâle de la figure paysanne, brûlée par le soleil et les intempéries ; elle s'harmonise avec le teint mat des artisanes qui se tiennent à l'abri, dans leur boutique ou derrière leur comptoir, et prête son éclat à la face émaciée par la souffrance ou les privations. Elle jette aussi une ombre discrète sur les traits trop accentués, et fait de son ovale un cadre élégant, aux figures délicates.

La longueur primitive de la visachen devait être l'aune ; le voile dans toute son étendue ; sa largeur, le palevarz, le quart de l'aune.

Elle se compose de deux parties : le cercle qui entoure le front et les joues, le kelc'h ; puis les deux ailerons, les chinkellou, ou mentonnières. Le bord qui encadre le front, s'appelle le ribl.

Les ailerons relevés au sommet de la tête, troussou, sparl, et faisant deux volutes tombantes sur les épaules portent le nom de la tentament, tenta amenta, ailerons attachés. La coiffe de dessus des Soeurs Blanches, se dit aussi l'Entendement. Sa forme est celle des autres coiffes paysannes avec chouken et le nom a certainement la même étymologie latine. 

La première mutilation de la visagière a retranché complètement les mentonnières à la hauteur des pommettes. D'où le nom de genosse, genoe ossa, os des joues, donné à cette forme de coiffe, à Brest, Landerneau, Lannilis, Quimper, etc. C'est la coiffe des artisanes qui ont jugé trop lourds, trop encombrants, les ailerons, pour se livrer aux soins de leur ménage.

Coiffe de Bretagne

La seconde mutilation a été faite dans les centres maritimes. La femme du pêcheur, qui n'est plus campagnarde et pas encore citadine, a scindé ses ailerons par la moitié. On a comparé cette forme d'ailerons, ramenés de chaque côté de la nuque, aux deux nageoires pectorales des poissons, situées derrière les ouïes.

La visagière a été aussi, rétrécie, et le ribl porté en arrière, de manière à découvrir la racine des cheveux. A Audierne, les cheveux, jusqu'à ces dernières années, étaient ramenés, sans raie médiane, vers l'arrière de la tête, tels que les portait Anne de Bretagne, sous sa cape bretonne.

A Carhaix, Gourin, la visagière et les ailerons ont complètement disparu, et sont remplacés par un simple liseré encadrant un étroit fond de coiffe ou une petite résille.

La coiffe à ailerons (type Capen) est la plus répandue en Bretagne. Mais la façon de placer l'épingle qui relie ses appendices, en fait autant de variétés bien distinctes (fig. 6.) 

Coiffe de Bretagne

A Plouhinec, les ailerons sont posés à plat sur l'arrière de la tête ; à Plougastel-Daoulas, relevés perpendiculairement et fixés tout contre le fond de la coiffe, sans volutes. A Fouesnant, Rosporden, etc., avant d'être attachés à l'arrière, ils subissent une torsion. Dans le Cap-Sizun, les ailerons, relevés obliquement, et attachés par leur bord intérieur aux cornes arrière du sommet, donnent, de profil, à la coiffe, une forme pentagonale. Le peintre Henri Royer, dans plusieurs tableaux, dont l'un, « Le Voeu » — se trouve au musée de Quimper, fait gracieusement ressortir cette forme. A l'Ile de Sein, les ailerons sont épinglés obliquement au sommet de la tête ; la volute est fermée à l'arrière et ouverte par devant. A Scaër, jadis, les ailerons, épinglés au sommet de la tête, avaient leurs volutes relevées et largement ouvertes. C'était la coiffe de la « Marie » de Brizeux.

— Gand hé c'hoef digor d'an avel, 

Hi oa é ghiz eun durzunel,

Pa' nem zispleg hé diou askel. 

— Avec sa coiffe ouverte au vent, 

Elle était comme une colombe 

Qui déploie ses ailes.

La caractéristique des coiffes anciennes des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor), principalement de Tréguier, était d'avoir les plus longs ailerons, dont les volutes tombantes couvraient entièrement les épaules. Le Morbihan et la Loire-Inférieure possédaient aussi des coiffes à ailerons, longs et larges, laissés ballants sur le dos.

Les chinkellou (chink-askellou) ont subi de profondes modifications dans leur ampleur et leur agencement. A Paimpol, elles sont taillées en triangle (la forme Touken).

A Sizun, Châteauneuf-du-Faou, etc., elles sont réduites à un simple liseré qui forme, par sa raideur, deux cercles étroits aux côtés de la tête, c'est le huit de chiffre. L'ancienne chinkgoloen, de Roscoff, dont les ailerons étaient noués sous le menton (d'où son nom), n'a plus que de rudimentaires appendices.

Cependant quelques transformations originales ont créé à la fin du XIXème siècle de nouveaux types de coiffes. C'est cette même chink-goloen, en tulle de soie, qui n'est mise qu'une ou deux fois, car cette étoffe ne peut se laver ; elle a ses deux cornes, Kern-Maout, latérales qui dominent la tête et des longues brides de dentelles ou chinkellou qui, réunies au dos descendent à la ceinture en déterminant une ellipse. C'est encore la coiffe de Saint-Thégonnec, avec ailerons en large dentelle, formant une couronne verticale posée sur le front. Puis à Châteauneuf-du-Faou, où le huit de chiffre, est devenu un nimbe circulaire au-dessus de la tête. En iconographie religieuse, la couronne est le symbole de la dignité, et le nimbe, celui de la sainteté. Félicitons les jeunes filles de Saint-Thégonnec et de Châteauneuf d'avoir hautement arboré ces emblèmes qui doivent certainement, — n'en doutons pas, — traduire fidèlement leurs aspirations. 

 

VIII.— La Chouken. — Le Camail

La chouken dérive de l'ancien capuce. Dans la banlieue de Brest, la coiffe a sa pointe relevée ; à Morlaix elle est tombante. Ces deux dispositions existent aussi dans les vêtements monastiques.

Primitivement, la chouken était reliée à la visachen, par quelques points de couture seulement. On en trouve les dispositions dans les coiffes de deuil de Pleyben et de Concar­neau. (Fig. 7.). 

Coiffe de Bretagne

La coiffe Lorientaise quoique bien mutilée, relie de même par quelques points d'aiguilles, son fond à la visagière ; les deux pans de celle-ci, très courts et fortement empesés pour s'écarter de la tête, ballottent au vent.

Le camail a été aussi, resserré au tour du cou, par des lacets à coulisse. Cette disposition est commune au plus grand nombre des coiffes. (Fig. 8.)

Coiffe de Bretagne

La chouken était un vêtement incommode pour se livrer aux labeurs agricoles. Les anciens moines déposaient leur cape pour travailler aux champs. — « Vir almus, (Macloouuis,) .... quatinus posset operari deposuit cappam, in quolibet vineoe locello » (vita S. macloouui).

Les paysannes, au contraire, ont retranché la chouken, au cou, sous la coulisse [Cap-Sizun, environ de Rennes, Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor), etc.]. D'autres l'ont échancrée (Rosporden, Bannalec, Pont-Aven, etc.) ; dans ces paroisses, la partie conservée du camail, est rattachée latéralement aux ailerons, telle la fileuse du nouveau Musée départemental. D'autres aussi l'ont rapetissée ; ainsi dans le Léon ; se trouvent des coiffes du même type, avec ou sans cet appendice : les coiffes chouken et les di-chouken ; dans la chouken, cette partie n'a plus que la largeur de la main.

Les coiffes artisanes, genosse et, autres, ont les chinkellou et la chouken entièrement coupées. Mais le ribl de la visagière est orné d'un basin et d'une dentelle qui, se prolongeant également en arrière comme le chouken, font un touret, parfois de dentelle de prix, à la coiffe. (Fig. 5.) 

Coiffe de Bretagne

Les ailerons et le camail de la coiffe, primitive sont tantôt de même longueur, tantôt inégales, selon que la pièce formant chouken est attachée par son côté le plus large, ou par son extrémité étroite. Mais toutes les chouken sont élargies, à la base, par les deux petits triangles d'étoffe du voile, les kouign, pour mieux protéger les épaules. Ces deux triangles sont caractéristiques. On les rencontre presque partout dans les coiffes de Bretagne, même dans celles dépourvues d'ailerons et de couvre-nuque, telles les artisanes, les coiffes d'Auray etc. C'est un signe de parenté et d'origine communes entre toutes les coiffes bretonnes.

La disparition du chouken a dû faire époque dans l'histoire du costume breton. Un dicton célèbre cité par Du Guesclin alors qu'il s'emparait des places fortes de la Bretagne, pendant l'exil du duc Jean IV (1373-1378), en a gardé le souvenir : « Qui a Bretaigne sans Jugon, Il a chape sans chaperon ».

La coiffure bretonne a gardé sa partie la plus importante : le chaperon avec les ailerons pendants. Mais comme c'était la coiffe paysanne, on l'appelait par dérision : Cati olla, marmite ou écuelle de chat. C'est le nom qu'elle porte encore au début du XXème siècle, Catiolle, dans l'arrondissement de Morlaix, Saint-Brieuc, celui de Ploërmel, aux environs de Rennes, etc. Sous d'autres noms, tirés de celui de la paroisse, ou de la région, elle est la coiffe la plus répandue dans les campagnes des cinq départements bretons. (Fig. 9.)

Coiffe de Bretagne

 

IX.— Le Strad. — Le Capuce

Le strad, ou fond, est la partie du voile qui, attachée à l'arrière de la visagière, forme le capuchon de la coiffe.

Dans la coiffe bretonne, la visagière a peu varié : des règles canoniques avaient fixé implicitement son attribution ; elle remplaçait le voile qui donnait, à la femme, la libre entrée de l'église.

Le strad, au contraire, devait uniquement servir à garantir la tête. C'était simple à obtenir, et la forme la plus commode toute trouvée, celle de la cuculle monastique ou du Bardocucule. Mais le serpent qui rôde toujours autour de la fille d'Eve, pour la tenter, se logea, un jour, dans le fond de sa coiffe. Depuis ce jour, le serpent sous la forme d'une boucle de cheveux rebelle, incite constamment la femme à modifier cette partie de sa coiffure.

Innombrables sont les formes données au capuchon de la coiffe.

Ainsi les rides du froncis qui l'ont déterminé ont été prolongées verticalement jusqu'au sommet et ont fait le coef-rided de Beuzec, des bigouden, et beaucoup d'autres, éparses dans toute la Bretagne. Ces rides au lieu de partir de la base, ont aussi rayonné comme un soleil, autour d'un point central : c'est le Kac' h Pod (Cati olla) d'Arzano.

Le capuchon est tantôt carré, ovale, ou rond. Il se rétrécit à l'arrière de la tête ou la déborde en large disque. Il tombe en sac sur le cou (Morlaix), ou se surmonte d'un autre petit capuce (brugerez de Pont-Croix). Il est aussi cornu (Roscoff).

Il adhère à la tête ou s'en écarte en tirant à lui la visagière, (Loire-Inférieure coiffe Pignon, Elven, Guérandaise, etc.).

Et quand il a obtenu la complicité d'une large visagière, pour l'éloigner lui-même de la tête, le champ est ouvert à ses plus capricieux épanouissements.

Mais la coiffe bretonne a su toujours garder, dans ses multiples transformations, l'harmonie de ses proportions, laissant à la visagière la prépondérance et son élégante simplicité. Ainsi la corne d'abondance basquaise, dont la pointe renversée se projetait en avant ; les larges éventails et les volumineuses crêtes bordelaises ou normandes, n'ont pas eu entrée en Bretagne ; pas plus que « les cornes, merveilleusement hautes et larges, des atours décrites par Juvenel des Ursins ; ni les hennins et aultres habillements de parage », contre lesquels tonna un carme breton, frère Thomas Couette. Les portes des chaumières bretonnes étaient trop basses, pour leur livrer passage, faites seulement pour la cornette d'Anne de Bretagne.

 

X.— Le Deon, attache du voile et du capuce

Le deon, couture simple, sans rides, ni froncis, comme la capeline de Trégunc, reliant la visagière au camail, a déterminé un genre de coiffes spéciales ; celles dont la visagière se terminait primitivement à l'arrière et à distance de la tête, par une ligne horizontale.

Le deon n'avait pas assez de consistance pour maintenir l'étoffe dans cette disposition. Etirée par le poids du camail, la visagière se creusait en rigole, d'avant en arrière. On trouve cette disposition dans le groupe en albâtre de la chapelle de Saint-They, du Cap-Sizun, dont le principal personnage ; au dire de Marc Le Clerc, artiste peintre décorateur, représente le Christ de la flagellation, au lieu d'un saint Sébastien. Les coiffes des trois orantes agenouillées au premier plan du groupe, ont cette dépression, médiane, et à bords parallèles, de la visagière, très marquée ; il ne faut donc pas confondre cette coiffure avec, le hennin double, s'épanouissant, comme les atours, en deux cornes divergentes.

On a évité cet affaissement de l'étoffe de la visagière, en supprimant le camail et le capuchon, qui ont été remplacés par une coiffette en toile épaisse et rigide, et, plus tard, en carton ; puis en renforçant le deon, ou couture, par une tige de bois, le sparl de Meilars et Mahalon, ou par un double ourlet, le bord léden de Quimper, Plomodiern, Coray, etc. La ligne arrière de la coiffe, ainsi renforcée avait un demi pied de long comme les sparleguen ; ou un tiers de pied comme les bord léden. Peu à peu, et localement, selon les caprices féminins, le deon a diminué d'étendue. Constituant le plad-bien, ne mesurant plus que deux pouces ; puis le bien-plad, moins d'un . pouce (Plogastel-Saint-Germain) ; enfin la bigouden, où le deon n'est plus qu'un bec de quelques lignes ; mais ce bec fut surmonté accidentellement d'une pointe effilée qui n'est autre, d'après la tradition, que le clocher de Lambourg, rasé par ordre du roy-soleil, lors de la Révolte du papier timbré, le jeudi 5 septembre 1695, dans la matinée, et que la femme de Pont-l'Abbé a fièrement arboré, en signe d'indépendance, au sommet de sa coiffe (Etude ethnographique sur les bigouden).

Les coiffes constituées par le renfoncement du deon, sont cantonnées, les bigouden et sparléguen, sur le territoire de l'ancien pagus Cap-Caval, et les autres, les bord-léden, sur celui de Quimper, la ville-siège de l'évêché de Cornouaille au Moyen-âge ( Fig. 10)

Coiffe de Bretagne

Ces coiffes, entre lesquelles une lointaine similitude de conformation seule existe aujourd'hui, et dont les agencements sont l'opposé de ce qu'ils étaient il y a moins d'un siècle se sont créées sur place. Elles n'ont rien de commun avec la tiare persanne ou thibétaine, pas plus qu'avec le phallus antique, ou le hennin coupé. Ce sont des coiffes bretonnes, comme les autres, et de même origine et qui ont aussi pour caractère la prépondérance du voile par le capuce.

 

XI.— Le Kern, la Cornette

Le velum caperatum, le voile capelé, s'est constitué non par une simple couture comme le groupe des coiffes précédentes, mais par des rides et des froncis reliant le camail à la visagière (Fig. 11).

Coiffe de Bretagne

Ces froncis avaient, autrefois, une disposition qu'on retrouve dans les coiffes de localités éloignées. Ils représentent un demi-fleuron, uniforme, à orbes concentriques, s'étalant aux deux angles supérieurs du capuchon. La base du fleuron, composée de quelques plissés serrés, est reliée à la visagère par le deon.

Lorsque la coiffe est ouverte, ces fleurons forment deux cornes au haut du capuchon de la coiffe. Ce sont les Kern, et de là est venu le nom de Cornette, ou plus régulièrement de Kernette.

Une infinité de coiffes portent ces deux cornes, qui sont plus prononcées dans le Léon ; telle la coiffe de Saint-Pol, la chinkgoloen, les Kern-maout, etc.

La coiffe de l'Isle de Batz a les Kern les plus saillants, de toutes les coiffes actuelles.

Une autre disposition du fleuron a aussi créé la coiffe uni-corne. C'est quand les plis de la base du fleuron occupent tout le cintre du capuchon et se prolongent en rides sur tout le fond. Ce sont les coeffou-rided, ou brugèrez de Pont-Croix, de Beuzec-Cap-Sizun et de Poullan principalement, et aussi l'ancienne bigouden. Dans la coiffe brugèrez, avec laquelle on confondait autrefois la bigouden, le Kern forme un petit capuce se profilant au sommet de la coiffe, comme l'aigrette des vanneaux d'où le nom de brugerezed Poullan, donné à ces volatiles, par les femmes du Cap-Sizun qui ont les deux Kern à leurs coiffes.

 

XII.— Le Voile. — Coiffes de cérémonie

L'usage du voile, commun chez les Grecs et les Romains, s'est propagé avec le Christianisme.

Après la formation de la coiffe, les vierges et les veuves ont continué à porter le voile ; c'était leur vêtement de tête habituel.

Les monastères de femmes, par leur multiplication, contribuèrent encore à maintenir et étendre l'usage du voile. A ces Communautés étaient affiliés des converses, des oblates, des associées laïques qui faisaient pénétrer dans les familles, l'esprit et en quelque sorte le costume de ces communautés (Quicherat - Histoire du Costume en France).

Parmi ces soeurs laïques, les prêtres des campagnes bretonnes trouvaient, sans doute les gouvernantes de leurs presbytères. La discipline ecclésiastique défendit d'abord, aux prêtres, d'avoir, chez eux, même en cas de besoin absolu pour leur entretien, des femmes étrangères à leur plus proche parenté. Plus tard, cependant, les gouvernantes furent tolérées dans les dépendances des presbytères. Elles étaient voilées. Le nom de Carbasen, qui sert encore aujourd'hui à les indiquer en serait l'indication. En effet, ce mot est le même que le mot carbasus qui signifie voile de lin, sorte de tissu léger se fabriquant en Espagne. Ces dignes gouvernantes, d'âge et d'allures canoniques, avaient, dans leurs cuisines, perfectionné le latin, qui a servi ensuite à dénommer plusieurs types de coiffes, tels que genosses, catiolles, tentament, etc.

Le voile, seul, sans le concours du capuce, a servi à créer un groupe de coiffes qui se rencontrent encore aujourd'hui.

C'est, à l'île d'Ouessant, la coiffe habituelle, composée d'un simple voile de 0m45 sur 0m35. Il est posé à plat sur la tête, le bord antérieur formant visagière ; l'arrière est replié en carré laissant choir un pan de l'étoffe sur la nuque. Il est maintenu de chaque côté par une épingle.

Les plis de ce voile sont les mêmes que ceux du taleden ancien de la bigouden, avec les deux cornes au sommet.

Le voile constitue encore les coiffes de cérémonies, en usage pour les fêtes solennelles, les pardons, la première communion, les mariages.

Ces coiffes se composent du voile, dans toute sa longueur, la grande aune, 1m 20, et plus ; avec le palevars, ou quart de l'aune, pour largeur. Des coiffes, plus récentes, ont pour mesure, la petite aune, ou le mètre, avec ses subdivisions. Elles se posent sur un chignon, enserré dans une petite coiffette détachée. Une échancrure du bord postérieur du voile permet de l'ajuster.

Les ailerons sont laissés pendants, ou retroussés sur la tête de manière à former une double visagière. Cette dernière disposition se rencontre dans l'ancienne coiffe de Lesneven, dite coiffe Karred, ou coiffe en bâche.

Une autre disposition enroule ces deux pans, en cornet, à l'arrière de la tête. C'est la coiffe conoïde appelée aujourd'hui Cornette, qui n'a aucune parenté avec la cornette ou Kernette du moyen-âge.

Le cône formé par les ailerons enroulés se termine tantôt par une pointe (Plounéour-Trez, etc.) ; tantôt il est tronqué, et la coiffe ouverte plus ou moins à l'arrière (Douarnenez, Pont-Croix, Crozon, etc.) (Fig. 12).

Coiffe de Bretagne

Pour figurer une double visagière, le voile est parfois doublé d'un volant (Morlaix).

La mode locale détermine la direction de la pointe, qui, s'élève au-dessus de l'horizontale, ou s'abaisse au-dessous. A Plonéour-Trez, elle est surélevée de plus de 45°. Nous avons assisté jadis au pardon de Chapel-Pol, près de Brignogan, où toutes les femmes portaient de longues cornettes, la pointe haute. C'était un curieux spectacle de suivre les mouvements d'ensemble de tous ces cônes de mousseline, s'élevant, s'abaissant, décrivant d'amples circonvolutions à chaque nouvelle attitude que prenaient les assistantes.

Dans le Tréguier et le pays rennais, la coiffette, au lieu d'être détachée du voile, est cousue au milieu de l'échancrure du voile. C'est cette coiffette étriquée, en disproportion avec l'amplitude du voile, qui a fait nommer cette coiffe la Catiolle l'écuelle de chat. A Saint-Brieuc et dans les paroisses avoisinantes, toute les jeunes filles portaient la catiolle, le dimanche, il y a un peu plus d'un siècle.

Dans six paroisses de l'ancienne seigneurie du Léon, se trouve encore une forme de coiffe dérivant du voile ; c'est la Kernapa ou Kern-n'a pas, la coiffe sans corne, ni cornette. Cependant, une couronne, ou bourrelet semi-circulaire, en foin ou paille fine, qui s'attache à l'occiput pour maintenir la coiffe, s'appelle le Kern. Peut-être est-ce aussi une ironique allusion à l'ancien servage : Ker-n'a pas, sans domaine.

Cette coiffe se compose du long voile, à l'arrière duquel est attaché un écusson de carton, de la forme de l'ancien écu seigneurial (Fig. 13). 

Coiffe de Bretagne

Le voile se pose à plat sur la tête, l'écusson pendant sur la nuque. Deux épingles attachent le voile de chaque côté de la tête, et les pans flottent comme deux étendards sur les épaules.

C'est la coiffe de cérémonie des paroisses de Kernouez, Saint-Frégant, Goulven, Plouider, Plounéour-Trez, Kerlouan, et Guissény.

Or, un rentier de la châtellenie ducale de Lesneven, de l'an 1455, indique les paroisses de Plounéour-Trez, Kerlouan, Kernouez, Guissény, Elestrec, ou Quiquello et Kernilis, encore assujetties au droit de servage de la glèbe, ou de motte.

Le cantonnement des coiffes actuelles, avec leur écusson, correspond à ces paroisses. Est-ce là un simple hasard ? Doit-on considérer cet écusson comme une marque de servage imposée par les seigneurs du Léon qui n'avaient tenu aucun compte de la grande mesure d'affranchissement prise vers 950, par Alain Barbe Torte ?

Nous n'avons trouvé aucun texte s'y rapportant, mais nous avons constaté que les seigneurs du Léon se sont, un jour montrés jaloux du maintien de leurs droits et privilèges. Voici dans quelle circonstance :

Une ordonnance de François II, père d'Anne de Bretagne, du 18 octobre 1486, porta atteinte à ces privilèges, en abolissant le droit de motte qui existait encore dans la vicomté du Léon. Dix-neuf ans après, en 1505, la reine Anne faisait son voyage triomphal à travers toute la Bretagne. Dans la Vicomté, comme dans toutes les villes, les honneurs royaux furent rendus à la reine seule et le seigneur du Léon qui l'accompagnait fut relégué, quoique suzerain, au rang des autres seigneurs de la suite.

La Reine, dans son voyage, portait la cape nationale, et les dames de sa suite l'avaient imitée. Dans les réceptions faites, au Folgoat, le mardi 19 août, à Saint-Pol et Lesneven, les femmes du peuple avaient-elles aussi, pour prendre la cape bretonne, délaissé le voile à écusson, la coiffe Kernapa, que le Seigneur du Léon avait l'habitude de rencontrer lorsqu'il exerçait ses prééminences ? Alain Bouchard, qui a décrit les ovations faites à la Reine, ne le mentionne pas.

Quoiqu'il en soit, le Seigneur de Léon fut bien marri d'avoir passé inaperçu dans la foule des autres seigneurs, là où il avait presque le droit de souveraineté ; et il en exprima son mécontentement, le 1er septembre suivant, par devant deux notaires de Lesneven, déclarant, par acte authentique, qu'en accompagnant la Reine, il n'a dérogé, ni préjudicié à ses droits, privilèges, prééminences et possessions et qu'il se les fera rendre, quand verra l'avoir à faire, par tous ceux qui les doivent et dans la forme qu'ils sont tenus.

C'était gros de menaces pour les paroisses de la seigneurie, tout récemment encore attachées à la glèbe.

La coiffe à écusson se porte avec la jupe et le corsage en damas rouge, la calamandre à gros fleurons. C'est le costume le plus archaïque, dans son ensemble, et le plus riche de la Bretagne. Ces costumes anciens se portent encore aux pardons du Léon. Dans les inventaires des notaires, on les estime invariablement à 400 francs (vers 1912) ; mais les enchères d'une vente, vers 1890, ont fait porter le prix de l'un de ces costumes à 800 francs.

La coiffe de cérémonie, surtout la cornette dérivant du voile, donnait lieu anciennement à de touchants usages.

Dans chaque paroisse se trouvait une atourneuse seule attitrée pour avoir le talent de poser élégamment la cornette sur la tête de la première communiante et de la nouvelle mariée.

Cette pose de la première cornette formait époque dans la vie d'une paysanne. Nous avons connu vers 1912, dans le Cap-Sizun, une bonne femme de 88 ans citer avec attendrissement le nom de la jeune fille qui lui avait épinglé sa cornette de première communion, et lui en témoignait encore sa reconnaissance pour l'avoir faite belle, ce jour-là.

La cornette rappelait, à la paysanne, les époques heureuses de son existence. Fillette, elle avait filé le lin, ou brodé le tulle pour confectionner sa cornette de communiante laquelle devait aussi lui servir de coiffe de mariée.

La cornette était, religieusement conservée pour être transmise aux enfants, comme souvenir de famille, on ne la sortait pas de la vieille armoire, sans attendrissement. Plusieurs fois, quand nous recueillions les documents de cette étude, nous avons surpris une larme poindre entre les cils des femmes qui nous montraient les vieilles coiffes de leurs mères et de leurs aïeules.

Aux environs de Quimperlé, principalement à Arzano, un usage, d'origine monastique, fait exception. La coiffe que la mariée avait portée, à l'Eglise, pour son mariage, servait, à sa mort, pour sa dernière toilette et était déposée avec elle dans la tombe.

 

XIII.— Constitution religieuse de la nationalité bretonne ; son influence persistante. — Variation du costume, correspondant avec les circonscriptions ecclésiastiques.

Le caractère religieux acquis para la coiffe bretonne vers le XIème siècle, se trouve en corrélation avec l'esprit même donné à la nationalité par ses fondateurs trois ou quatre siècles auparavant.

Les centres ethniques, les anciens plous, qui ont constitué la nationalité bretonne, ont été créés sous la seule influence des moines bretons insulaires. Pendant que les chefs militaires des émigrations successives veillaient, dans leur forteresses et leurs Lez, à la sauvegarde de la colonie naissante, les chefs religieux groupaient, autour de leurs oratoires et de leurs cellules la population émigrée et les peuplades armoricaines errantes, sans lois, sans gouvernement. Ils faisaient l'union entre ces peuples d'origines différentes, en pourvoyant à leurs moyens d'existence, par l'exemple de leur travail et par une organisation nouvelle.

Le souvenir de cette origine est toujours vivant, en Basse-Bretagne. — « Nous sommes venus d'Angleterre avec les Saints », — dit une tradition très répandue dans le Cap-Sizun.

Sous la féodalité, qui a pesé lourdement sur le peuple, les chefs militaires ont perdu leur premier prestige : leur rôle était terminé avec la dernière incursion saxonne.

Mais l'action des moines insulaires s'est maintenue par les monastères, les prieurés, et, plus tard, le clergé séculier. La population a vu, en ceux-ci, les continuateurs de l'oeuvre de leurs premiers chefs religieux, et les paroisses ont voué à leurs chefs ecclésiastiques la même confiance, la même obéissance, la même vénération que les anciens plous aux moines des émigrations.

Rien d'étonnant alors que l'influence religieuse qui a présidé à la constitution de la nationalité se soit exercée, sans interruption, sur la vie, les moeurs, le costume de la population rurale. Les sermons des prêtres bretons ont certes beaucoup contribué au maintien du caractère religieux de la coiffe bretonne qui est manifeste surtout dans la large visagière qui a remplacé le voile.

Mais la coiffe bretonne n'a pas tardé à se modifier. La femme à défaut de miroir, se mirant dans l'eau, a deviné qu'en agençant sa coiffe autrement que ne le faisaient les femmes des paroisses voisines, elle donnait à son visage, un agrément différent. Un lacet plus serré ; un pli à la base du capuchon ; une épine ou une arête de poisson, — ces épingles primitives, — autrement placées ; les ailerons relevés au-dessus de la tête, rejetés sur le dos, ou resserrés au menton, changeaient complètement le caractère de la coiffure.

Chaque paroisse adoptait un agencement spécial de la coiffe. C'est ainsi qu'actuellement encore, avec la même coiffe, la femme de Beuzec-Cap se différencie de celle de Goulien, paroisse limitrophe, celle d'Elliant, des femmes de Saint-Evarzec et de Tourc'h ; la bigouden de Plomeur, de celle de Saint-Jean-Trolimon.

Plus tard, les plous et paroisses, ont été réunis en doyennés formant de nouvelles entités ethniques, plus étendues. Dans ces nouveaux groupements, les communications, les usages, les moeurs, les costumes se sont unifiés. Si bien qu'aujourd'hui chaque type de coiffe et de costume se trouve groupé dans les paroisses composant autrefois chacun de ces doyennés. Nous citerons pour exemple, le territoire de Quimper, ville siège de l'Evêché, s'étendant jusqu'au delà de Trégourez, avec ses coiffes, au large sommet renforcé d'une barre de bois, ou d'un ourlet ; puis le doyenné du Cap-Caval, avec la coiffe à bec, la bigouden ; comme aussi le Pagus-Cap-Sizun, avec la cape primitive seulement allégée du camail.

On doit donc admettre que chaque type de coiffe correspond aux territoires des anciens doyennés ; que les paroisses de chacun de ces doyennés possèdent la même coiffe, mais avec un agencement différent : déplacement d'une épingle ; lacets de la coiffe noués sous le chignon (Brest, Lesneven, etc.) ; ou formant rosette au sommet de la tête (Pomponne de Pont-Croix).

 

XIV.— Mutilation de la coiffe primitive. — Création de cinq types

La coiffe primitive, comme vêtement de tête journalier, était faite par les deux grandes sections quadrangulaires du voile :

1° La visagière avec ses ailerons ;

2° Le capuce, se prolongeant en camail ; celui-ci élargi par les deux petites sections triangulaires pour protéger les épaules.

Deux genres de variations ont modifié ces parties :

L'un, radical, brusque, motivé par une nécessité d'accommodation pour les travaux, a retranché l'une, ou plusieurs de ces parties ; trois nouveaux types de coiffes se sont ainsi créés.

Coiffe de Bretagne

Le camail était trop lourd pour les labeurs des champs on l'a coupé. Trop long, les ailerons de la pêcheuse, quand, à mi-corps dans l'eau, elle capturait les crustacés : ces ailerons ont été diminués de moitié. Pour l'artisane, à l'étroit dans sa boutique, ces ailerons étaient une gène : elle les a coupés.

L'autre genre, lent et continu, régi par le seul caprice féminin, exerçant son action sur chacune des parties conservées à la coiffe, a déterminé par ses agencements et ses ornements, dans chacun de ses types, des variétés à l'infini.

Le premier genre de variation a conservé, à la coiffe, son caractère de vêtement de tête. Le second en a fait un ornement de la chevelure.

Les trois types de coiffes créés pour la commodité du travail ont conservé la forme monacale. Les caprices de la mode ont déterminé quelques dispositions originales, esthétiques, parmi un grand nombre burlesques et ridicules.

Les coiffes bretonnes qui ont conservé leurs caractères primordiaux comprennent cinq types :

1° La coiffe primitive (supellinen), avec visagière à ailerons, capuce et camail ;

2° La même coiffe, sans camail ;

3° La coiffe des ports de mer, à demi-ailerons ;

4° La coiffe artisane, sans camail, ni ailerons ;

Ces quatre types créés par la jonction du voile au capuce :

Puis, 5° la coiffe de gala, transformation directe du voile.

Toutes les coiffes actuelles, quels que soient leurs dispositions, leurs agencements, leurs ornements, l'amplitude de certaines de leurs parties, ou leur atténuation, se classent dans ces cinq types.

 

XV.— Absence de documents écrits sur la coiffe bretonne

Les historiens ont négligé de décrire le costume paysan, aux différentes époques. Pourtant, au dire de Racinet (le Costume historique), « le costume déterminant l'apparence extérieure de tous ceux qui ont vécu, est inséparable du souvenir laissé par les aïeux : il appartient à l'histoire ».

Les ordonnances royales et ducales, les parchemins des nobles, les chroniques de quelques vieux écrivains, telles sont les sources où les historiens ont puisé. Mais ces écrits ne mentionnent, en ce qu'ils concernent les classes rurales, que les redevances et droits seigneuriaux auxquels elles étaient soumises, leurs révoltes et leur répression. Du reste, le vilain comptait à peine dans l'ancienne société. Ses seuls parchemins consistent en quelques inventaires indiquant quel était son avoir mobilier. 

A défaut de documents, serait-il possible, à travers les faits historiques, d'en trouver quelques-uns qui aient pu avoir une action sur le costume, et principalement sur la coiffe bretonne ? On pourrait ainsi connaître la naissance de la coiffe et la création de ses cinq types ; puis suivre, pas à pas, la lutte multi-séculaire qui s'est déclarée entre la mèche de cheveux et la toile blanche, pour conquérir le privilège exclusif d'orner la tête de la femme.

 

XVI.— Essai historique : Création de la coiffe bretonne, X-XIème siècles. — Affranchissement d'Alain Barbe Torte. — Création des petites industries rurales. — La duchesse Hermengarde ; son influence. — Mutilations brusques de la coiffe. — Aisance de la classe rurale. — Désertion des campagnes. — Ordonnance du duc Jean V. — Formation d'une aristocratie paysanne de la terre. — Costumes paysans du XVème siècle. (Manuscrits de la Bibliothèque Nationale). — Les Parements de tête du. temps d'Anne de Bretagne. — Fixation de la coiffe bretonne ; influence d'Anne de Bretagne. La toile de ménage.

La coiffe bretonne s'est créée à la fin du Xème siècle et pendant le XIème siècle.

Après que l'acte d'affranchissement d'Alain Barbe Torte, vers 950, eut donné aux vilains et roturiers toutes les conditions essentielles de la vie civile, l'ancien serf avec sa famille, était devenu libre de sa personne ; libre aussi du bien acquis par son travail, après avoir payé les redevances seigneuriales fixées d'un commun accord.

Il pouvait donc aller, venir, se nourrir, se vêtir, comme il voulait, sauf de rares exceptions là où la volonté seule des seigneurs avait maintenu l'ancien mottage.

Alors il s'est créé, dans chaque maison rurale, une foule de petites industries. La laine, le lin y étaient filés séparément ; ou mélangés à la soie, aux draps, aux étoffes des habits seigneuriaux hors d'usage et découpés en lanières étroites, pour former la toile, de dessins et de couleurs bigarrés, appelée lien pillou. Les métiers à tisser devenaient communs dans les fermes importantes, il y avait même un serviteur gagé dont le seul travail était le tissage des toiles. Vers 1912, nous avons encore trouvé, dans le Cap-Sizun, des restes de ces industries notamment chez un tisserand de Goulien qui, sur son métier quasi préhistorique, fabriquait, avec des fils de chanvre et des découpures d'indienne, des tissus aux couleurs aussi harmonieusement mélangés que les plus beaux draps d'Elbeuf. Nous avons même vu les enfants gardant les troupeaux, tresser la paille pour en faire des chapeaux de forme élégante.

Les fermes de Bretagne suffisaient ainsi pour produire leurs vêtements. Il n'y avait que les vêtements de gala dont les étoffes s'achetaient dans les bourgs. Pas « variance » dans les habits ; on en faisait « garenne », selon l'expression du poète Michault ; un seul habit de gala suffisait pour les fêtes religieuses, et il se transmettait et servait à plusieurs générations, jusqu'à usure complète.

Pour confectionner de nouvelles étoffes, il fallait aussi inventer de nouveaux métiers. Or les métiers archaïques du tissage breton ont persisté jusqu'à nos jours (vers 1912). C'est l'une des causes du maintien du costume. Cependant l'habileté de mains, acquise par les tisserands, a fait de la Bretagne l'un des plus importants centres de productions textiles. En cela, ils furent secondés par l'habileté que devaient acquérir les fileuses.

L'acte d'affranchissement d'Alain Barbe Torte avait permis, à la classe rurale de jouir du travail de ses bras. Le bien-être commença à pénétrer dans les campagnes. Mais bien des réformes restaient à faire, pour que ce bien-être devint complet et durable.

Un siècle, plus tard, pendant que le duc Alain Fergent était à la Croisade, en la Terre sainte, son épouse, la bienheureuse Hermengarde, eut le gouvernement du duché. Elle se rendit compte de l'état de toutes les classes, et dirigea, vers des oeuvres pieuses et charitables, — « l'esprit des croisés qui avaient rapporté, du berceau du christianisme, des inspirations de charité et de concorde » (La Borderie - Histoire de Bretagne, tome III, page 32).

Après la mort d'Alain Fergent, la princesse Hermengarde, poussa son fils, le duc Conan III, à traduire, par des actes, ces mêmes sentiments.

C'était pour la classe rurale, la continuation et la consolidation de la liberté dont elle jouissait.

La prospérité matérielle s'étendit alors dans toutes les campagnes. La facilité de la vie donna, à la femme, des loisirs. Les petites industries de la ferme se perfectionnèrent petit à petit. La femme étira, de sa quenouille, des fils de plus en plus déliés qui servirent à tisser les fines toiles des coiffes. Celles-ci, allégées d'un excès de poids de l'étoffe, développèrent leurs ailerons, en vastes étendards ou gracieuses volutes.

Cet état, dû à la bienfaisante intervention de la duchesse Hermengarde, était à son apogée trois siècles et demi après. Et dans le voyage triomphal d'une autre duchesse, à travers la Bretagne, en 1505, le peuple breton, dans les acclamations faites à la cape d'Anne de Bretagne, rendait aussi hommage à l'oeuvre d'Hermengarde.

C'est pendant cette période du Xème au XVème siècle, qu'ont eu lieu les mutilations brusques qui ont déterminé les principaux types de la coiffe bretonne.

L'affranchissement avait donné, aux anciens serfs, toute liberté pour régir leur costume selon la nécessité ou le caprice.

Le premier attentat porté sur la coiffure, supprime le camail de la supellinen. La coiffe à ailerons, cum pinillis, fut ainsi créée. Les clercs aussi portaient un vêtement de tête, avec ces appendices. Mais le règlement d'Etienne de Dol les leur fit supprimer ; les clercs ne devaient point porter des vêtements ressemblant à ceux des femmes.

L'aisance continuant à se développer dans les ménages ruraux, le Tiers en prit de l'importance. Il fut appelé pour la première fois par le duc Artur II, avec le clergé et la noblesse, à siéger aux Etats de Ploërmel, en 1309. La femme profita aussi de ce nouvel état de chose. Ayant moins le souci matériel de son ménage, elle pouvait à loisir songer à sa toilette. Les étoffes de soie, de velours, lamés d'or, lui étaient interdites ; les nobles et les riches bourgeois jouissant d'un certain revenu avaient, seuls, le droit de les porter. Elle exerça son goût et ses caprices sur la toile blanche de sa coiffe.

C'est ainsi qu'elle entailla ses ailerons, de diverses manières, ou les retroussa pour en faire le tentament.

Elle forma aussi la coulisse de la supellinen, à la nuque pour enserrer sa coiffe, et noua, par une large rosette, les ailerons, sous le menton. Le capuce ecclésiastique avait aussi cette disposition qu'interdirent les statuts synodaux de Jean, évêque de Nantes, en 1389 : — « Neque gerant capucia subtus guttur more mulierum patenter nodulata ».

La coiffe artisane, ou genosse, s'était créée dès le XIIème siècle, parmi la classe marchande. Etienne de Fougères a décrit l'importance prise à cette époque, par les villes et les bourgs, grâce au commerce. Il divisa les commerçants en deux classes : les bons et honnêtes, puis les fraudeurs ; les reséants, originaires de la ville ou du bourg, et les recréants, c'est-à-dire les hors venus.

Au commencement du XVème siècle, la classe des recréants s'augmenta considérablement. La constitution du duc Jean V, de février 1425, dit : « les laboureurs délaissèrent leurs champs, et firent monopole et congrégation avec les marchands et gens de métier, pour la vendition de leurs denrées, et marchandises, et ne donner et bailler leurs marchandises l'un à meilleur prix que l'autre ».

L'abandon des campagnes fut considérable à cette époque et influa sur le costume. Les femmes et les filles des nouveaux recréants du XVème siècle s'empressèrent de mettre leur mise à l'unisson du luxe des villes et à la portée de leurs nouvelles occupations. La mutilation de la coiffe fut générale ; dans tous les bourgs, les ailerons s'envolèrent — « comme la plume au vent ».

Les paysans du XVème siècle restés fidèles à leurs champs continuèrent seuls la tradition bretonne. Se succédant, de père en fils, sur la même terre, ils sont devenus une sorte d'aristocratie rurale, fière et digne, donnant son mépris à toute fortune, à toute alliance venant de l'aune ou de la chopine. Cette aristocratie de la terre que nous avons bien connue, était encore nombreuse au milieu du XIXème siècle.

La Bibliothèque Nationale possède plusieurs manuscrits qui donnent une idée de la variété du costume paysan au XVème siècle. Dans un manuscrit (Bibliothèque Nationale, n° 8351 - Racinet, tome I), représentant un groupe du cérémonial du roi René, la soubrette qui soutient la queue de la robe de la dame au Hennin, porte une coiffe à ailerons pendants sur le dos.

Une gravure d'un autre manuscrit (Bibliothèque Nationale, n° 9387 - Racinet, tome IV) reproduit les modes paysannes de la deuxième moitié du même siècle. — « Les coiffures des femmes, basses et contenant les cheveux massés naturellement sur l'occiput, nouées par un lien indépendant, — probablement la rozérés, ou la rubanel bretonne, — ont encore aujourd'hui leurs analogues dans nos campagnes ».

Dans cette gravure — « La dictée du testament », une femme porte des ailerons coupés au dessous des oreilles. Une autre a ses ailerons coupés en biais comme la Touken du Tréguier. Ces deux coiffes portent la visagière et un capuchon arrondi, ressemblant aux vieilles coiffes de Châteauneuf et de Brasparts. La capeline y est représentée, avec la visagière repliée sur elle-même, tout en avançant sur le front ; elle couvre la nuque et cache les oreilles ; tombe par devant, mais s'arrête à la hauteur de l'épaule ; son sommet, ou kern, se termine aussi par deux angles.

Telle on retrouve la cape d'Anne de Bretagne, dans la plupart de ses portraits. Telle est encore aujourd'hui la supellinen du Cap-Sizun.

Voici d'après un auteur de l'époque, Olivier de la Marche quels étaient les parements de tête, à la fin du XVème siècle (Quicherat - Histoire du costume en France).

La coiffe. — Petit béguin, ou calot, qui se posait par dessus les cheveux. On y adaptait, sur le devant, un tour de visage, la templette décorée de broderies. On en trouve la disposition dans le Paliür actuel du Cap-Sizun, — de paliurus, arbuste épineux, parce qu'à défaut d'épingles, rares autrefois, on se servait d'épines. — Le paliür du Cap-Sizun est une bande de tulle épinglée à l'avant du béguin et formant touret de front.

Le ruban. — Il servait à lier les cheveux et à les tenir couchés sur le chef, pour les empêcher de descendre sur le front, car la mode était toujours de n'en laisser paraître que la racine. Cette mode était celle d'Audierne jusqu'en 1910.

Le chaperon. — C'est la supellinen. Elle se doublait quelques fois, et était alors posée directement, sans béguin, sur les cheveux. Quand elle n'était pas doublée, elle s'attachait sur la coiffe par des épingles. La coiffe, en tissu plus léger que le chaperon, se terminait à la nuque par un bourrelet, (coiffe sans chouken).

Le chaperon avait deux formes ; celle de capeline avec fond plus ou moins ajusté, séparé du camail par une coulisse. La supellinen du Cap-Sizun s'en rapprocherait beaucoup. Dans l'autre forme, quelques froncis seulement, au sommet, reliaient la visagière à l'arrière de la coiffe ; cette partie tombait sur les épaules dans la chute naturelle de l'étoffe, sans coulisse formant capuce. Olivier de la Marche louange très fort cette coiffure, — « plus gracieuse qu'aucune de celles qu'il avait vu porter depuis qu'il était au monde ». La supellinen de Trégunc et de Concarneau rappelleraient cette coiffure. C'était aussi la cape d'Anne de Bretagne, dans les formes reproduites par les miniatures de son livre d'heures, le tableau, de Jean Peréal et sur différents portraits.

Le costume breton, ainsi que les différents types de la coiffe, étaient donc constitués à cette époque.

Anne de Bretagne, devenue Reine, apporta, en France, la jupe le corsage et la supellinen bretonne avec la coiffe blanche (Le Roux de Lincy, Vie de la reine Anne de Bretagne - Quicherat, Histoire des costumes). Ce costume, par sa modestie, s'accordait bien avec les habits du Tiers ordre de Saint-François, congrégation à laquelle appartenaient, d'après une tradition conservée chez les Minimes, Louis XI, Charles VIII et Louis XII (Père Héliot, tome 7, p. 452).

Lorsqu'elle était obligée de tenir sa cour, la reine adoptait bien les modes françaises qui avait subi l'invasion des façon italiennes, même avant son premier mariage. Mais elle résistait « avec une véritable opiniâtreté de bretonne », — à l'introduction de ces modes en Bretagne. Un rondeau, du valet de chambre d'Anne de Bretagne, Jean Marot, et certainement inspiré par elle, en ferait foi.

— De s'accoustrer, ainsi qu'une Lucrèce — A la Lombarde ou la façon de Grèce, — Il m'est avis qu'il ne se peut bien faire — Honnestement : Garde-toy bien d'estre l'inventeresse  — D'habits nouveaux ; car mainte pêcheresse — Tantost sur toy prendroit son exemplaire, — Si à Dieu veux et au monde complaire, — Porte l'habit qui dénote simplesse — Honnestement.

C'est donc à Anne de Bretagne que l'on doit la persistance et la transmission de la coiffe bretonne.

Cette fidélité à garder le costume breton était générale : on la retrouve également dans la classe élevée. Voici le dernier conseil donné par l'abbesse de Saint-Georges, à Mathurine Bouan, quittant la communauté de Rennes : « Quand au costume, quelque chose qu'on vous dise (E. Frain - Moeurs et coutumes des familles bretonnes), répondez avec douceur et honnêteté, mais ne le changez pas ».

Mademoiselle Mathurine Bouan épousa en 1615, Hay des Neptumières, conseiller au Parlement de Bretagne.

Jusqu'au milieu du XVème siècle, la toile de lin servait exclusivement à confectionner la coiffe bretonne ; le chanvre n'était employé qu'à la fabrication des cordages. Cependant Anne de Médicis possédait deux chemises de toile de chanvre qu'on citait comme une rareté. Il était donc possible d'utiliser le chanvre dans l'industrie textile.

Après, la Ligue, cette, industrie se créa et se perfectionna en Bretagne ; et la toile de chanvre, la toile de ménage remplaça presque exclusivement, dans les campagnes, la toile de lin. On vit cette toile que les dames de la Cour d'Anne de Médicis enviaient, orner le chef de toutes les bretonnes.

La femme de la campagne a le sentiment inné du beau, la bretonne surtout. Et quand elle n'a pas subi les caprices de la mode, ni la suggestion étrangère, elle a toujours su mettre, en harmonie complète, sa personne avec la forme de son vêtement ; la couleur de celui-ci avec la teinte dominante du ciel de son climat. C'est ainsi qu'elle a appris à entourer son corps, déformé par les travaux des champs, de lourdes étoffes qui en ont masqué la déformation des lignes ; qu'elle a voilé les gros traits de sa face par une large visagière ; qu'elle a atténué le cru de l'ancienne robe rouge par l'éclat de la coiffe blanche, et actuellement, elle égaie le noir de la robe, par la blancheur de sa coiffe et de sa collerette.

Avec la toile blanche de ménage disparaîtra la coiffe bretonne.

 

XVII.— Petites variations dans la coiffe paysanne. Ornements étrangers ajoutés à la coiffe artisanne.

Les évolutions lentes des cinq types primordiaux de la coiffe bretonne ont créé, différentes seulement de mise et d'aspect, toutes les variétés des coiffes actuelles.

Pendant plusieurs siècles, l'instinct inné de l'harmonie, chez la femme bretonne, a, seul, régi les petits détails qui ont amené, successivement et insensiblement, les transformations marquantes. Une disposition heureuse était-elle créée ? une autre disposition aussi heureuse venait, peu après, la compléter ou la faire ressortir. Un agencement trop hardi, ou inesthétique, trouvait aussi, sans tarder, un correctif.

La coquetterie s'y est aussi mêlée. Un plissé plus serré ramenait-il la visagière à effleurer l'oreille, pour dégager la face ? Aussitôt on faisait descendre une mèche de cheveux pour orner la tempe. Le chignon de son côté demandait à soulever quelque peu le fonds de la coiffe, pour montrer son tam du, sa torsade noire, contre laquelle, tonnaient les prédicateurs.

Chaque belle de village cherchait à créer des dispositions nouvelles. Des agencements anodins se faisaient ainsi, sans règle, sans motif, par simple caprice. Expliquer pourquoi l'artisane de Lesneven, noue le lacet de sa marmotte sous la nuque, tandis que celle de Pont-Croix, fait la rosette de sa Pomponne, au dessus de la tête ? C'est impossible !

Mais une règle inviolable, de toutes les variétés de coiffes, c'était la pose symétrique. Pour cela, elles avaient, comme repère, un pli médian de la toile, d'avant en arrière. On voit ce pli aux coiffures des miniatures du livre d'heures d'Anne de Bretagne et au tableau de Jean Perréal, du musée de Keriolet.

Tant que l'industrie locale et le travail de la femme ont fourni l'étoffe et la façon des coiffes, il y a eu peu de changements importants. Mais la mode est venue, apportant des ornements étrangers, acceptant toute disposition nouvelle, et, surtout, renversant l'équilibre de la coiffe, qui n'était plus, au dire d'un prédicateur du Moyen-âge, « — qu'une toile mise à sécher sur un buisson — ». Faisant alliance avec la mode, le serpent, logé au capuce de la coiffe, avait déclaré la guerre à la toile blanche. Développant ses circonvolutions, il a soulevé la coiffe, par le haut, étiré vers l'arrière, pour laisser échapper les boucles de cheveux, et le chignon. La femme, comme la mère Eve, succombant à la tentation du serpent, a rétréci sa coiffe dans l'une ou l'autre de ses parties, et, pour cacher sa faute, a remplacé les parties mutilées par des ornements de toutes provenances.

La paysanne n'avait qu'un jour de la semaine pour s'occuper de sa toilette, le dimanche. A l'entrée des églises elle trouvait les boutiques scintillantes des merciers. C'était pour elle la grande tentation et souvent, pour faire son choix d'ornements nouveaux à ajouter à sa coiffe, elle tournait le dos à la messe. La coiffe blanche allait ainsi disparaître si plusieurs arrêts du Parlement de Rennes, notamment du 22 avril 1667, 18 août 1712, en défendant, sous peine de 20 livres d'amende, aux marchands de soie, laine, mercerie, de mettre en vente leurs marchandises, les dimanches et jours de fêtes, n'avaient mis le holà.

C'était un siècle et demi d'existence garanti, par le Parlement, à la coiffe paysanne.

Mais la coiffe artisane fut toujours en danger. La femme trouvait, à sa portée, tous les jours de la semaine, les boutiques ouvertes. Cependant elle eut le bon esprit de ne point subir la suggestion des modes bariolées de la noblesse et de la bourgeoisie, ses voisines. Elle conserva la toile blanche de sa coiffe, mais en étoffes plus tenues, quand l'industrie en progrès les créait. A sa toile blanche, elle agença des tulles, des basins, des linons, des dentelles de prix, ou des broderies qu'elle confectionnait elle-même. Ces ornements ajoutés à la coiffe artisane, créèrent aussi des agencements nouveaux, telle la genosse de Brest qui a entaillé de biais, sa visagière, pour dégager le bas de la figure, ou recevoir un touret de garnitures plus larges encadrant les cheveux en bandeaux du front. La diversité des coiffes artisanes, ou du genre bonnet, comptait, au dire de Quicherat, vers 1780, plus de deux cents espèces différentes.

Les paysannes des paroisses avoisinant les villes subirent alors l'influence des coiffes artisanes. Ces coiffes ont presque perdu tout caractère, telle la coiffe dite Polka, des environs de Rennes.

 

XVIII.— Industries du XIXème siècle. — Perte du caractère de la coiffe bretonne : absence d'harmonie dans les formes, les agencements, les couleurs. — Les touristes. — Les peintres. — Les écrivains. — Le ridicule.

Depuis quelques années, l'industrie du vêtement a mis à la portée des campagnes les plus lointaines, et à des prix dérisoires, des ornements que la paysanne trouve beaux, parce que, pour elle, ils sont nouveaux. Elle affuble sa tête des oripeaux les plus déliés, sans se rendre compte que ces étoffes conviennent aux traits affinés de la fille des villes, et non à ses larges traits hâlés par le soleil.

La paysanne, en oubliant quels étaient les deux caractères de la coiffe blanche, n'a plus notion, du sentiment de l'harmonie des formes, des agencements et des couleurs. Elle ne tient plus à sa coiffe qu'elle a cessé de confectionner, la trouvant à acheter toute faite et à si bon compte chez les marchands.

Depuis 1880, la Bretagne hospitalière, reçoit, chaque année, une affluence d'étrangers, attirés par la beauté de ses paysages, ses mœurs, ses costumes. Chacun énonce son impression, exagérée ou ironique, sur les originalités locales, qu'il ne comprend pas. La bretonne, piquée dans sa coquetterie, accepte pour bonnes toutes les critiques, même celles qui la poussent au ridicule. Pour elle, alors il n'y a plus rien de beau que ce qui est importé de loin ou prôné par les parisiens, ou encore ce qui a coûté cher.

Les peintres également ont servi, inconsciemment, à transformer le costume. Si l'un a jugé à propos de relever un pan de coiffe, de dégager une boucle de cheveux, de resserrer un lacet, de déplacer une épingle, choses reconnues nécessaires, au point de vue artistique, et à l'entour du modèle qui pose, toutes les filles de la localité, maritornes comprises, s'empressent d'adopter les nouvelles créations. C'est ainsi que se perdent les coiffes bretonnes. Voici quelques exemples : La coiffe de Pont-Aven porte la visagière verticale, au lieu d'être étalée à plat sur la tête ; par contre, son capuce, repoussé par le chignon, s'allonge horizontalement, tout à l'opposé de sa position naturelle. Les larges ailerons du Cap-Sizun s'étriquent pour approcher de la miévrerie du huit de chiffre de Châteaulin et de Pleyben. La coiffe Pen-Sardin des ports de mer, restée la plus élégante des coiffes bretonnes, parce qu'elle a gardé son double caractère de vêtement de tête et de modestie monastique, tout en contribuant, à part égale, avec la chevelure, à orner le chef féminin, — chevauche à l'extrémité d'un chignon, se prolongeant à l'arrière, duquel, bientôt, elle fera la culbute repoussée par les cheveux ébouriffés du front.

La coiffe bigouden, autrefois horizontale, ainsi que son taléden, s'est dressée, droite, sur la tête d'une femme, au dimanche de Pâques 1858. L'année suivante, c'était le taléden qui faisait la même évolution. Depuis, ces deux pièces se sont arc-boutées, le taléden repoussant la coiffe qui, déviée de la normale, menace de choir sur la figure. La femme bigouden, oublieuse aussi de son histoire locale, a supprimé la pointe de sa coiffe, laquelle était une marque d'indépendance envers les seigneurs et une bravade pour le roi-soleil.

Quelles ne sont pas, du reste, les modifications très récentes subies par ce costume bigouden ? Elles sont si nombreuses et si disparates, qu'un auteur moderne (Augustin de Croze - La Bretagne païenne) a trouvé dans les deux cantons de Pont-l'Abbé et de Plogastel Saint-Germain :

La lourdeur et la somptuosité des costumes thibétains ou mongols ;

Les vestes sans manches des Mandchous ;

La lassitude pesante et obèse, la laideur siamoise et laponne ;

Dans les ornements en clinquant et les dessins des coiffes, l'hymme de la création ;

Le chapeau large des Chinois ;

Les pantalons andalous ;

Le veston des Toréros ;

La marche nu-pied des indiennes de Ceylan et du Malabar, ou des créoles de la Réunion ;

Les noces d'Annam, de Mongolie et du Thibet ;

La nonchalance polynésienne ;

La danse des Somalis.

Puisse l'avenir préserver le reste de la Bretagne de donner lieu à pareils rapprochements qui dénonceraient, chez les bigouden, un oubli complet des origines, la négation de toute harmonie et de toute esthétique ! Puissent aussi les appréciations de M. Austin de Croze rappeler que les étoffes riches, les broderies larges et épaisses, les couleurs bigarrées ne font pas à elles seules, l'élégance. Il faut encore et par dessus tout harmonie des atours avec le corps qui les porte.

 

XIX.— Conclusion

La coiffe bretonne est contemporaine de nos vieilles églises de campagne. Le jour de leur dédicace, pendant que dans le choeur, l'encens brûlait devant les seigneurs, la nef était remplie de ces coiffes blanches des femmes du Tiers, comme à nos pardons actuels.

Les seigneurs ont leurs armoiries dans les vitraux de ces églises. Le Tiers qui a bâti ces monuments de ses mains a été oublié. Seules quelques marques de corporations ouvrières, ou des reproductions de poissons et de bateaux y sont figurées.

Ne serait-ce pas une justice, bien tardive il est vrai, de faire figurer, aux fenêtres des églises des campagnes, les costumes qui ont assisté à leur première cérémonie religieuse. Tous ces monuments, églises paroissiales ou chapelles isolées, ont leur mérite au point de vue hagiographique, architectural, ou pittoresque. Une baie vitrée, ne serait-ce que d'un mètre carré, dans chacun d'eux, reproduisant une légende locale, de vieux tableaux, une scène de dévotion devant un porche, un calvaire, une croix de carrefour, ou des sites avec personnages en costumes bretons d'après photographies, rappelleraient heureusement le passé.

« Le costume, comme les monuments, appartiennent à l'histoire. Le souvenir de tout ce qui tient au passé mérite d'être conservé » (H. Le Carguet - 1912).

 © Copyright - Tous droits réservés.