Un itinéraire arménien où le parcours dans le territoire et l'écriture tresse la vie à vif d'un pays.

Denis Donikian a déjà à son actif bien des livres sur le pays d'Arménie. Militant des droits de l'homme, homme de la diaspora engagé dans la défense de sa culture d'origine, il a su tisser des liens très particuliers, concrets et lucides, avec la terre-source. Et comme pour certains de ses ouvrages précédents, ce lien éditorial : ce livre est édité à Erevan, en version bilingue, arménien et français.

Cet ouvrage est le premier de la collection "Itinéraires Arméniens" qui publie des "textes d'errances étonnées ou studieuses au sein du pays arménien, l'actuel, l'historique, l'imaginé". Vaste programme, illustré ici avec une sorte de jubilation, de gravité légère, de révolte parfois mais comme nimbée par la marche au sein d'un pan du territoire arménien.

Le livre s'ouvre (et se ferme aussi) à Dilidjan, par un texte court où se mêlent l'évocation du lieu, des instants vécus là et parfois des interrogations qui émergent sur l'aujourd'hui de l'Arménie, sur ce que tricote (ou détricote) la société. Tout cela magnifié par une écriture précise, élégante, familière, qui touche le coeur et l'esprit.

Ensuite, les textes de même format font écho à une randonnée longue de plusieurs jours qui a mené l'auteur de Sissian à Tatev, en suivant un temps la rivière Vorotan, puis en franchissant les montagnes. Et c'est un bonheur de suivre cette écriture fidèle et espiègle à la fois, en écho extrême aux paysages qu'elle traverse : "Marchant dans le secret espoir de trouver assez de mots pour dire avec justesse les choses qui m'adviennent, j'ignore encore que ces lieux sont en train de les semer en moi et que je les récolterai plus tard comme des vibrations verbales, quand tous ces rythmes de forme et de mouvement seront passés."

Rencontre avec la terre, mais aussi avec l'humain qui la peuple encore, fragilement, dans ces campagnes arméniennes qui s'amenuisent : "Anahit, la voisine de Noro, qui nous apporte à manger, pilaf, salades, pain lavach, semble habillée contre les proches tristesses de l'hiver. Elle a perdu son mari il y a plus de dix ans dans un accident de voiture. Elle paraît si frêle sous les pommiers lourds d'un jardin qui ne semble plus l'enchanter."

Pour se procurer l'ouvrage et suivre cette série, plus d'infos sur le blog de l'auteur

Siounik Magnificat
Denis Donikian
Editions Actual Art, Erevan (2010)
116 pages, 14,5 x 23,5 cm