" Ce qui a porté l'homme à se vêtir, c'est le souci de s'investir de tout ce qui l'aidera à s'affirmer et à être soi dans le monde ".

Ces mots de Maurice de Leenhardt dans la revue L'amour de l'art parue en 1832, peuvent tout à fait s'appliquer à la coiffe portée par les paysannes au XIXe siècle. En effet, à travers sa coiffe dont elle a choisi tous les éléments, la femme va témoigner de sa personnalité, de son statut dans la société.

Pourquoi se couvrir ?

La tradition a longtemps voulu que les femmes dissimulent leur chevelure. Déjà vers 1115 avant J.C., le roi d'Assyrie, Téglath-Phalasar Ier ordonne que " les femmes mariées qui sortent dans la rue n'auront pas la tête découverte ". Par la suite les religions ont imposé aux femmes de couvrir leurs cheveux. Ainsi saint Paul, dans la 1ère Lettre aux Corinthiens au chapitre 11 affirme que " la femme ... doit avoir sur la tête une marque de l'autorité dont elle dépend ", la coiffure étant signe de soumission. Dans De virginibus velandis en 213, Tertullien, un des Pères de l'Eglise, va plus loin, puisqu'il impose une coiffure également aux jeunes filles : " il faut voiler nos vierges dès qu'elles sortent de l'enfance ".

On retrouve dans le Coran , sourate XXXIII, la même prescription : " Prescris à tes épouses, à tes filles et aux femmes de croyants un voile sur le visage "(57), ce voile étant " la marque de leur vertu et un frein contre les propos des hommes ".

Au XVIIe siècle, les religieuses de St-Vincent de Paul qui seront en contact avec la population sont les premières religieuses à porter de larges coiffes, les cornettes, avec lesquelles les barbichets et certaines coiffes bretonnes du début du XIXe siècle présentent des ressemblances. On y ajoutera bien sûr des dentelles.

À ce motif religieux, s'ajoute un rôle protecteur. La coiffe comme toute autre coiffure va protéger du froid, du soleil. La tête considérée comme le siège de toutes les fonctions nobles va se voir particulièrement protégée et cela dès la naissance.

 

Le bonnet au quotidien
Bonnet de travail
La coiffe de tous les jours à Confolens
Coiffe de travail de Confolens

 

Cependant, pour la paysanne du XIXe siècle, le rôle le plus important de la coiffe va être celui de lui offrir une véritable parure. Puisque la religion, les codes sociaux lui imposent de cacher sa chevelure, sa parure naturelle, à laquelle on attribue une certaine force magique et un pouvoir de séduction allant jusqu'à devenir le repaire du diable, elle va détourner cette interdiction. Elle cache bien ses cheveux jour et nuit sous un bonnet ou sous une coiffe, mais qu'elle va orner, décorer et dont elle n'hésite pas à se servir comme moyen de séduction.


La coiffe, un signe d'identité territoriale

Les coiffes vont se diversifier peu à peu. Chaque région, chaque paroisse a sa coiffe qu'on identifie immédiatement. S'il y a des grandes catégories comme la Saintongeoise, le Champanais, la Confolentaise, on réussit à distinguer à l'intérieur de ces catégories la marque du village. En effet, chaque lingère marque de son sceau la coiffe qu'elle fabrique. La paysanne portant sa coiffe affiche sa localité.

Les anciennes frontières sont tenaces, ainsi sur le canton d'Aulnay où une partie appartient à la province du Poitou et l'autre à la Saintonge, les coiffes sont différentes dans les deux secteurs, la frontière naturelle et provinciale étant plus forte que l'appartenance au même canton.

 

A La Villedieu, la Saintongeoise
Une Saintongeoise de jeune fille de La Villedieu (canton d'Aulnay)
Au Gicq, le Champanais
Un Champanais de jeune fille du Gicq (canton d'Aulnay)

 

Les dénominations actuelles n'étaient pas utilisées par les habitants, ainsi les femmes parlaient de leur " bonnet " ou de leur " coiffe ", mais ne parlaient pas de " Champanais ", dénomination trouvée par les intellectuels pour désigner les coiffes de la région de la Champagne. Le même type était désigné sous diverses appellations selon les villages, par exemple, la Garibaldi était la dénomination générale, désignée par Carasse pour les gens de Niort, ou encore Capette, Ramponneau. Dans le Marais, on appelait la coiffe carrée, Poraude.

Parfois les rivalités entre villages poussaient les femmes à désigner les coiffes de la commune voisine par un terme péjoratif. Ainsi, les gens de Chef-Boutonne appelaient la Pantine portée par les femmes de Lezay des Pelles de Four et celles de Lezay dénommaient celles de Chef-Boutonne des Bourgnons, de même pour désigner les coiffes des marais, on parlait péjorativement de cabanières et pour celles de Confolens, on utilisait le terme de Gros Culs. Ces multiples dénominations marquent bien la force de l'empreinte territoriale.


Signe d'appartenance religieuse

Dans certaines régions du Poitou, lors des fêtes et des grandes sorties ", la coiffe va différencier les catholiques des protestantes : ces dernières portent une coiffe à plumet avec des broderies géométriques, alors que les premières portent la Malvina, avec la rebifiette que l'on disait signe de rébellion.

La pèleboise protestante
La Péleboise portée par les femmes protestantes
La malvina des catholiques
La Malvina avec la rebifiette portée par les femmes catholiques

Signe du rang social

La coiffe reflète également le rang social. L'aisance financière des paysannes se manifeste par le nombre de coiffures dont elles disposent et aussi par la richesse des broderies, les dentelles, les rubans qui ornent les coiffes.

Cette manifestation de la richesse paysanne se traduit surtout sur la coiffe de mariage. Comme souvent dans les sociétés traditionnelles, c'est la parure de la femme qui va attester du rang social de la famille.

Une coiffe de mariée
Coiffe de mariée de St-Hilaire des Loges

 

La coiffe peut également être signe d'une profession. Ainsi les nourrices en ville se doivent de garder leur coiffe d'origine, image de leur fonction. Dans les familles aisées, on leur fournissait également une coiffe, appelée livrée avec des rubans de couleur qui descendaient parfois jusqu'au sol.

Elle rythme également le déroulement de la semaine. De même que les vêtements de travail sont bien différents de ceux de cérémonie, de même sur la semaine, les coiffes de travail sont-elles beaucoup plus simples, les paysannes se couvrent la tête d'un simple bonnet, comme la cayenne, coiffe de travail pour l'hiver qui peut aussi servir comme sous-coiffe. Mais le dimanche et aux grandes fêtes religieuses, elles se parent de la coiffe de grande cérémonie avec ses dentelles et rubans de soie.

Travail et simplicité
Coiffe de travail
L'ordinaire des jours
Coiffe de tous les jours
Les atours de la cérémonie
Coiffe de cérémonie

 


Signe des grandes étapes de la vie.

C'est d'abord le bonnet de baptême qui couvre l'enfant dès sa naissance pour le protéger aussi bien physiquement que spirituellement. On protège ainsi l'enfant contre le mal et on le place sous la protection divine.

Bonnet N°1 Bonnet N°2
Bonnet N°3 Bonnet N°4
Bonnets de baptême


Ensuite, dans les familles aisées, la fillette porte sa première coiffe lors de sa première communion ou après cette cérémonie.

Pour la fillette, à Confolens
Confolentaise de petite fille
Pour la fillette, à La Mothe St-Héray
Mothaise de très jeune fille

 

Cependant, la plus belle coiffe, celle que l'on prépare longtemps à l'avance en en choisissant avec soin tous les éléments, celle pour laquelle on dépense une petite fortune, est la coiffe de mariée avec sa couronne de fleurs d'oranger, signe de virginité, les rubans ornés de fleurs et de fruits, signes de fécondité et parfois la broderie en cœur, signe d'amour.

La mariée d'Archiac Détail de la coiffe de mariée
Détail de la coiffe de mariée
Coiffe de mariée d'Archiac avec détails

 

Ensuite avec les événements douloureux de la vie, vient la coiffe de deuil, dénuée de tout ornement, avec parfois l'inversion de certains éléments comme les brides et les barbes. Souvent, les femmes âgées, ayant connu de nombreux deuils, portent continuellement cette coiffe. Nombreuses aussi étaient les coiffes de demi-deuil, sans broderies et très discrètes.

La sobriété du demi-deuil
Coiffe de demi-deuil St-Hilaire des Loges
L'austérité du deuil
Coiffe de deuil de Bresdon


Dans la seconde moitié du XIXe siècle, alors que les vêtements s'uniformisent en s'inspirant de la mode des villes, seule la coiffe conservera, un temps encore, les particularismes locaux.