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L’aventure d’une maison en Bretagne, qu’on restaure, qui fait abri à la dureté du monde, qui se prolonge dans le voisinage, les paysages, la mémoire et la culture de ces terres celtes. |
Qu’est-ce qu’une maison ? Évidemment, des murs, des meubles, quelques lits, des objets familiers qu’on accumule peu à peu, tout ce qui fait un abri pour vivre. Mais la maison, c’est aussi tout autour, les voisins de la ferme qui élèvent les bêtes pour le lait et qui s’interrogent sur le monde comme il va. Et puis, les terres du golfe tout à côté et l’océan un peu plus loin, et ce qu’on sent d’une étrange parenté avec les paysages d’Irlande. Et puis encore, tout ce pays de Bretagne et sa mémoire qui resurgit, et cette langue qui ne veut pas mourir. Et quand on questionne tout cela, en mêlant ses mains aux matériaux qu’on brasse pour rénover cet abri, on se dit qu’il faut écrire cette aventure pour la conjuguer avec le monde, car, comme le dit Annie Ernaux, rien n’est vraiment vécu tant qu’on le l’a pas célébré dans l’écriture. La maison est ainsi faite de murs, de portes et de fenêtres, mais aussi de poètes bretons qu’on a lus et dont les instants fulgurants des lectures reviennent à la surface, de chanteurs et de musiciens, de patrimoines qu’on découvre, tout cela qui fait l’entour d’un pays dont la culture est en sursis depuis bien longtemps et reste aujourd’hui précaire face à la globalisation financière qui nous submerge et qui n’a aucun souci de ce qui fait sens entre les hommes. Pourquoi la Bretagne ? Je suis né et j’ai vécu l’enfance juste au sud de la Loire, entre Nantes et la mer. De l’autre côté du fleuve, c’étaient les toits d’ardoise et c’était ce pays mystérieux, un ailleurs rêvé dont j’écoutais les histoires, le soir sur Radio-Bretagne, l’oreille collée au grand poste où la voix du conteur s’approchait et s’éloignait de moi au gré des ondes fluctuantes. Et parfois, mes parents m’emmenaient avec eux, nous passions la Vilaine avec prudence à La Roche-Bernard, sur des pontons, le pont n’étant pas encore reconstruit après la guerre. Ce sont sans doute ces images fondatrices dans la mémoire qui m’ont mené, l’âge venu, vers ces terres, pour que je les éprouve vraiment. Mais la Bretagne bien sûr, et sa maison, c'est aussi bien le monde, et toutes ses cultures malades, qui n'opèrent plus, ou si peu, dans l'aventure humaine. Et l'on s'accroche à ces bribes des rêves partagés, dans la grande précarité du temps qui vient. J’avais donc commencé d’écrire ce livre, quand Marc Nagels, l’éditeur des Terres du couchant, m’a sollicité pour un ouvrage. Je l’en remercie vivement, il m’a permis de rendre cohérent, je l’espère, l’écriture toujours à la merci des errances multiples. |
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Maison bretonne |