Cette sensation d’abord peut-être d’une présence qui nimbe les jours, celle des visages bien sûr, mais aussi des lieux, des paysages d’humanité. Et que cette présence se nourrit d’une mémoire grande, celle des lointains de l’espace et du temps, celle des traces précaires, les œuvres, les images…
Nous avions commencé notre périple en Iran par cette région du nord-ouest proche de l’Arménie et de la Turquie, comme pour partir de terres moins lointaines, plus proches, croyait-on, de nous-mêmes. Et Reza, qui nous guidait, avait voulu nous emmener à la Mosquée Bleue, manière de pierre fondatrice de l’itinéraire.
Quand on ne maîtrise pas la langue d’un pays, à quoi tient la réussite d’un voyage sur ses terres – on pourrait presque dire sa vérité ?
Sur ces chemins quasi infinis, qu’on a dit de la soie, entre Orient et Occident, que les voyageurs empruntent depuis deux millénaires, l’Iran fait office de plaque centrale, une simple carte le montre.
Nous sommes là depuis quelques jours, quelques semaines peut-être. Nous rangeons, nous nettoyons.
Les livres qu’on lit se répondent, lancent parfois les uns vers les autres des passerelles. Heureuse coïncidence des lectures.
Il penchait depuis longtemps au côté nord de la maison.
On a rempli cette vie
sans le savoir vraiment, avec notre regard
qu’on partage parfois devant la terre des hommes.
Cela fait des années déjà que les cigales accompagnent nos étés, donnant à la Saintonge un air de Sud, chant des cigales entêtant, rythme sans fin des journées chaudes qui se tarit le soir au profit du tintement léger des grillons.
Le mot voyage, nous disent les linguistes, apparaît en notre langue vers 1080. Il provient de viaticum, “ ce qui sert à faire la route ”.
Combien de paysages m’ont marqué par leur immensité ?
Les amis de Québec nous avaient dit “ Nous irons en Charlevoix, c’est une région si belle... ” Suffit-il de la beauté pour se souvenir ?
Dans cette ville tout est lisse, sédimenté en images puissantes, depuis qu'au XVe siècle on a "fait de la ville un palais".
Dans la cour du cloître, des carrés de pelouse bordés de fleurs roses. Au centre, un arbre haut qui dépasse les murs à l’enduit presque rose aussi des bâtiments.
Dans la Galerie des Offices, c'est le cœur de la foule, le fourmillement des grands musées du monde.
C'est le matin, et comme si souvent en Toscane, la ville est calme, nous allons d'un site à l'autre dans la profusion des édifices, et des images en eux.
Nous étions arrivés ici d'une traite depuis la Saintonge, dans l'épuisement de la route de fin d'été.
C’est de l’autre côté de la maison, sa parcelle de jardin qu’il bêche à la main, dans la patience.
Ces chemins du vivant croisent l’écriture, notamment poétique, l’approche des images et du textile, la rencontre des œuvres, et la trame du temps.
L’homme est petit, râblé. De la casquette, des mèches de cheveux blanchis depuis tant d’années disent le temps de ce corps rivé à la terre aussi loin que porte la mémoire.