Moissac, Quercy
Visage de saint Paul, trumeau du portail
Rétaud, Saintonge
Chapiteau pilier de la façade ouest
Lamairé, Poitou
Oiseaux à la nacelle, chapiteau portail ouest
Oloron Sainte-Marie, Béarn
Vieillards de l'Apocalypse, portail ouest
Bussière-Badil, Limousin
Chapiteau de la nef
Aubeterre sur Dronne, Angoumois
Chapiteau du portail ouest
Civray, Poitou
Zodiaque, les Gémeaux, portail ouest
Besse, Limousin
Adam et Yahvé, portail ouest
Beaulieu, Quercy
Le Christ, tympan du portail
Angoulême
Un ange, façade de la cathédrale
Vouvant, Vendée
Modillons de l'absidiole nord
Lichères, Angoumois
Voussure du portail ouest
Nuaillé sur Boutonne, Saintonge
Un roi mage, portail ouest
Poitiers
Façade de Notre-Dame la Grande, la Visitation
Melle, Poitou
Église St-Savinien, voussure du portail sud
Aulnay de Saintonge, Poitou
Visages des vertus, portail ouest
Argenton les Vallées, Poitou
L'Époux et une vierge sage, portail ouest
Saintes, Saintonge
Abbaye aux Dames, arcade latérale
Marignac, Saintonge
Chapiteau de la croisée du transept
Souillac, Quercy
Visage d'Abraham, ancien trumeau
Rioux, Saintonge
Arcature façade ouest

Les monstres, la violence,
les images en réseau
sur l'édifice.

La rigueur des modèles,
l'imaginaire,
la création...

Quel écho de l'art roman
n'est pas contemporain ?

Dans la rencontre des pierres romanes, viennent parfois des moments de fulgurance auxquels on ne s'attend pas. C'est le propre de l'œuvre d'art de surprendre ainsi, d'émouvoir au sens premier, c'est-à-dire de porter ailleurs.

La façade ouest Corme-Royal baigne dans cette lumière si prenante de Saintonge qui annonce l'océan. On arrive à l'église, au bout d'une petite place. Ce lieu fut donné à l'Abbaye aux Dames de Saintes lors de sa création en 1047, par Geoffroy Martel le comte d'Anjou et son épouse Agnès de Bourgogne. Les dames de Saintes y implanteront un prieuré, dont l'église actuelle dépendait.

 

La façade, l'écran

L'abord est déroutant : l'étrange clocher du XVe siècle, un haut mur de façade de la même époque... ce sont les remaniements qui s'imposent en premier, ce qui a défait plutôt que refait.

Puis le corps se laisse aller, se laisse imbiber par le jeu des reliefs et de la lumière, le regard s'isole avec cette grande façade-écran dressée devant soi. Et cela, devant soi, fait irruption à l'intérieur de soi, vous traverse. Alors l'œil ne s'arrête plus, il voit l'ensemble mais il cherche les détails si nombreux qu'il devine. L'œil va et vient. Il voit ces trois grands arcs répétés sur deux niveaux. Il voit les colonnes qui les séparent, il voit l'ordre de tout cela, et le soleil accentue cette découpe si exacte dans l'espace, l'alliance des rondeurs douces et les lignes puissantes des colonnes, des corniches.

Il y a tant de formes, on cherche à les comprendre, à les parcourir toutes, mais l'œil s'égare, il est pris par ce fourmillement des sculptures qu'il découvre. Il voit là-haut les colonnes striées, cannelées, ornées. Il voit les entrelacs sur les arcs, les motifs qui se répètent, identiques et différents, rythmes sur les formes. Rythmes de soi-même, les motifs se prolongent, font l'œil mobile. Le corps s'approche, il veut voir de plus près, il veut sonder le mystère du signe qui s'enlace à lui-même. Et l'on pense alors à l'Orient, quand le motif ainsi couvre tout l'espace, épuise le regard aux murs des mausolées.

Lire les images

Ici pourtant, la géométrie si fine des motifs s'arrête, elle laisse place à l'image, elle l'entoure, lui fait écrin. Et l'œil, qui faisait une danse folle d'un motif à l'autre, s'arrête aussi. Et c'est là-haut dans la grande arcade, des corps de femmes, certaines se tiennent droites, heureuses dans la lumière, d'autres ont le visage lourd de douleur. L'œil s'arrête, il cherche le sens perdu de cette ancienne histoire, des jeunes femmes heureuses, d'autres qui pleurent. Il voit un homme, au milieu, qui les sépare...

Baie aveugle registre supérieur côté nord Vertus et Vices, baie aveugle registre supérieur côté sud Deux vierges sages, arcade centrale supérieure Vierges folles, arcade centrale supérieure

Peut-on lire les images romanes, sans connaître les histoires qui font leurs sources ? Comme celle-ci, d'un très ancien récit, qui parle des vierges sages qui entrent dans la noce, et d'autres, qu'on dit folles, au visage douloureux, à qui l'époux ferme la porte.

Et l'on repense à l'Orient et à ces regards si différents des nôtres, sur les motifs et sur l'image. Qu'allons-nous perdre, si nous ne savons plus bientôt déchiffrer ces images qui nous ont modelés ? Sur la table rase, qu'avons-nous d'autre à mettre comme nourriture ?

Une citation

Les ornemanistes à qui a été confiée la décoration des églises romanes de Saintonge ont fait la preuve qu'ils disposaient d'une grammaire décorative d'une invraisemblable richesse.[...] Prenons comme exemple la torsade directement transposée de la technique de la corde à la sculpture décorative.[...] On la retrouvera tout aussi bien sur des façades très évoluées comme celle de Corme-Royal, associée à des motifs qui appartiennent à la plus totale efflorescence du décor roman.

René Crozet, L'art roman en Saintonge, Éditions A. et J. Picard (1971)