C’est un cyclone qui passe sur une île et qui dévaste tout ce que les hommes ont bâti là, c’est une voiture qui fonce dans la foule et fait grandir la mort sur son passage
c’est un chef de peuple dont la parole devient imprécation, soudainement, ou bien encore d’immenses eaux déversées par le ciel qui sur leur passage répandent la terreur. Ou bien toujours la haine et la guerre continuées ça et là, et dont les hommes qui les font perdurer n’ont rien appris du passé, des terreurs inscrites dans la mémoire qui ne résolvent jamais rien. Ou ces grandes assemblées où se retrouvent les puissants de la planète censés trouver une voie commune pour l’humanité, et qui se déchirent aux yeux de tous, propageant encore plus le chaos, offrant au monde le désordre et la violence comme apogée suprême.
On pourrait continuer la liste, comme une litanie inversée, insensée. Les images sur les écrans nous appellent, nous poursuivent, elles forment chaque jour une file interminable. Ceux qui les montrent les exploitent habilement, ils font monter au paroxysme l’émotion, ce qui sidère et paralyse, ce qui détourne de l’analyse et du sens. On amplifie chaque image, on fait grandir sa terreur, chaque semaine au moins prend place un événement historique à la face du monde. Qu’on aura tôt fait d’oublier la semaine suivante.
L’artifice de l’intelligence va nous proposer désormais des images qui du fallacieux vont devenir complètement inexactes, sans aucun lien avec le réel, mais dont la puissance émotive sera portée à son extrême. Et la folie mimétique qui fera converger vers elles tous les regards sera d’ampleur plus grande encore, noyant les capacités raisonnables de l’humain dans l’inanité d’un désir sans feu ni lieu, dans une course folle aux idoles friables, sans cesse évanouies, sans cesse résurgentes, couvrant la planète entière de leurs hoquets répétitifs.
La plupart des images se veulent exceptionnelles, attirant les foules à jamais, la plupart s’oublient dans l’instant, quand l’émotion se dissout avec le regard qu’on détourne d’elles, attiré par d’autres, plus exceptionnelles encore, croit-on dans l’incandescence de notre désir.
Rien ne se fait sans les images, tout est représenté. Ce qu’on soumet au regard pourtant pourrait au-delà de l’émotion première interroger le sens, suggérer une voie de réflexion, nimbée de distance, d’humilité face au réel qu’on donne à voir. Prendre le temps, mettre au centre toutes les ambiguïtés des images, décrire leurs ambivalences, adhérer au mouvement du désir avec parcimonie, et le savoir relatif, ce désir, et fugace… Mais le pouvoir et l’argent ont à ce point corrompu les jours de la réalité humaine, qu’on sait bien que c’est l’insensé qui risque d’advenir. Et qu’en ces jours de détresse, on ne peut sans doute qu’agir auprès de soi, doucement, lentement, avec la douleur traversée de l’humanité en soi, intimement.
Écriture le 22/12/24