Détail d'un khatchkar
Gochavank (Arménie)
Coiffe de deuil
Mazières sur Béronne
Nous tentons...
Poème (Rémy Prin)
Carré du marais
St-Hilaire la Palud
Il n'y a jamais...
Poème (Rémy Prin)
Fresques de l'abside
Kobayr (Arménie)
Hinggi kombu, l'arbre à crânes, ikat chaîne
Kaliuda, Sumba, Indonésie
Pua kumbu, ikat chaîne
Iban, Sarawak, Malaisie
Détail d'un sarong, ikat chaîne
Sikka, Flores, Indonésie
Motif à l'araignée, ikat trame
Okinawa, Japon
Les églises du monastère
Noravank d'Amaghou (Arménie)
Visage
San Juan de la Pena (Aragon, Espagne)
Voussure du portail
Foussais
Panneau de soie, ikat chaîne
Boukhara, Ouzbékistan
Bestiaire au portail sud
Aulnay
Tissu de flammé, ikat trame
Charentes, France
Saintongeoise
Détail de la coiffe
Détail d'une robe, ikat chaîne
Urgut, Ouzbékistan

Ce qui a duré
dans la mémoire des hommes,
ce qui fait culture,
paysages de la terre
ou pays de l'esprit,
ce qui peuple le voyage,
les vies, la plénitude,
le patrimoine, ce n'est rien
que ce lien fragile
de ce que nous sommes
à ce que nous devenons.

Chemins du vivant

Fragments d'un monde inquiet

Sur le talus du chemin, des orchidées
comme en tribus venues au jour
parmi les herbes hautes, sauvagement,

on marche près d’elles, on s’arrête,
le temps fait le bonheur dans les couleurs du monde.

Il naît de prodigieux instants
à la lisière de nous-mêmes
qu’on ne voit jamais sous la lumière des hommes,
eux qui s’occupent à l’argent, à la lutte.

Et en aval, d’insupportables silences
qui rêvent d’amour et de fleurs
au sein des jours qui s’en vont vite
il y a tout ce qui nous échappe
qu’on ne peut même pas tisser de regrets,
le sourire qui passe,
le geste insouciant qui montre les collines.

Comme les fleurs, les prodiges viennent,
et passent sans nous toucher,
une main sur l’épaule invisible,
la cascade d’un rire, à l’ombre du cerisier,
de la petite fille qu’on ne verra jamais.

Les orchidées, l’improbable et le sublime,
ce qui surgit de nulle part
au talus des chemins, le regard soudain
qui tient l’instant immobile
contre la barbarie.

Les étoiles dans la mémoire
qu’on risque de perdre à jamais,

ma mère qui étend le linge dans le soleil
mon père qui prépare dans l’atelier ses peintures
avec du Blanc d’Espagne,
tous les scintillements de l’enfance
en friche, en soi,
que la pensée tente de garder.

On n’a pas prise sur la mémoire
ni ses enchantements ni les béances,
la vie qui revient
ce n’est toujours qu’en pointillés
en instants clairsemés.

On sait bien qu’on marche vers l’absence,
que les étoiles vont se dissoudre un jour,
on voudrait tant que la mémoire
et toutes ces vies amassées en chaque corps
servent de chemins multiples, rayonnants,
à ceux qui passent après,
qui brodent à leur manière la vie avec un peu de soi.

Les instants passent toujours, on retient d’eux
la découverte des fleurs aux bords des promenades,
le passage à travers un village
qu’on n’a pas vu depuis longtemps,
le bonheur d’être ensemble
qui monte en vous soudain,
sans qu’on le prévoie, sans qu’on l’explique,
simplement les pas conjugués,
le vieux chemin retrouvé après un long détour
et la frondaison de ses arbres.

Tous les instants sont des étoiles,
la vie ne les garde pas tous en elle
on ne sait pas bien ce qui choisit,
ce qui fait durer l’instant ou l’étoile
comme pour l’éternité.

Écriture 9/05/23

De tous ceux qui passent
qu’on voit à peine

à peine des ombres qui traversent
la lumière, les prairies
un peu du temps instable devant nous

De tous ceux-là, il faudrait
dresser des portraits étoffés
jusqu’à la chair intime des sourires
afficher les vies
partout sur le monde
dire le moindre geste
le sauver
dans la mémoire, entre nous, partagée

La dame veille sur ses chiens, ses chats
elle sort de chez elle parfois
encombrée de son corps
“ C’est l’heure de la promenade ”, dit-elle
pour quelques pas gagnés
sur la dureté des jours

Et lui qui vit
au sein de ses fenêtres closes
il se nourrit des pierres qu’il entasse
un peu partout
sur son bout de terre
bien alignées
les pierres alors
disent la fragrance du monde
et ce qu’on a perdu de lui,
à jamais

Et celle qui marche
à contrepoint de sa jeunesse
Que retient-on de soi-même
dans les saisons, semble-t-elle questionner
de son regard apeuré

Portraits qu’il faudrait inscrire
dans l’air vif
au plus près des instants aigus
qui nous enlacent
à la pointe du temps

Silhouettes, visages
un instant sur la terre
qu’on voit à peine
qu’on ne sait pas
dont les gestes dans la lumière
cognent si fort
à la porte de ce qui dure.

Écriture 28/02/23