Fresques de l'abside
Kobayr (Arménie)
Nous tentons...
Poème (Rémy Prin)
Coiffe de deuil
Mazières sur Béronne
Carré du marais
St-Hilaire la Palud
Détail d'un sarong, ikat chaîne
Sikka, Flores, Indonésie
Bestiaire au portail sud
Aulnay
Panneau de soie, ikat chaîne
Boukhara, Ouzbékistan
Saintongeoise
Détail de la coiffe
Détail d'une robe, ikat chaîne
Urgut, Ouzbékistan
Les églises du monastère
Noravank d'Amaghou (Arménie)
Pua kumbu, ikat chaîne
Iban, Sarawak, Malaisie
Hinggi kombu, l'arbre à crânes, ikat chaîne
Kaliuda, Sumba, Indonésie
Il n'y a jamais...
Poème (Rémy Prin)
Tissu de flammé, ikat trame
Charentes, France
Détail d'un khatchkar
Gochavank (Arménie)
Visage
San Juan de la Pena (Aragon, Espagne)
Voussure du portail
Foussais
Motif à l'araignée, ikat trame
Okinawa, Japon

Ce qui a duré
dans la mémoire des hommes,
ce qui fait culture,
paysages de la terre
ou pays de l'esprit,
ce qui peuple le voyage,
les vies, la plénitude,
le patrimoine, ce n'est rien
que ce lien fragile
de ce que nous sommes
à ce que nous devenons.

Chemins du vivant

Fragments d'un monde inquiet

C’est dans une petite salle de l’hiver, tout près d’une autre où elle repose, cette amie qui vient de s’en aller de la vie.

Nous sommes là, ses proches du village, ceux de sa famille, tous serrés dans la tristesse, rassemblés par la mort, cet instant qu’on ne saura jamais, qui dresse en soi l’inéluctable et l’infranchissable à la fois.

Il y a dans un coin de la salle un petit homme à la voix douce, qui parle de la vie et des moments heureux, qui dit l’espérance à travers des anciens textes qui racontent l’éternité, les brebis dans les verts pâturages, et le pasteur qui les guide… Il dit qu’il a la chance insigne d’être croyant, de grands silences traversent ses paroles. Tous ceux qui sont là écoutent, ceux qui se connaissent et ceux qui ne se connaissent pas. Le silence et la voix cognent aux portes de la mort, à ce qui se dérobe au regard à jamais. Bientôt, quelques-uns vont dire des mots d’adieu, ou des fragments de souvenir, une femme va chanter d’une voix pure, presque étouffée. Les autres restent terrés dans leur détresse. Avons-nous tous le sentiment d’être ensemble, partageant l’indicible du vivant quand il s’arrête, et que soudain l’on se dit qu’il aurait fallu peupler mieux le temps du partage ?

Nous sommes serrés dans cette petite salle, fragment d’humanité hétéroclite, et pourtant assemblée là, en mémoire encore vive de cette vie juste en allée, chacune et chacun avec ses intenses moments des vies tissés ensemble. Nous ne savons rien de cet autre territoire sans fin dont parle l’homme à la voix douce, ni même si cela se peut, d’être vivant dans l’invisible. La foi, c’est ce qu’on ne saura jamais, mais qui soulève les montagnes, dit-on.

Nous entrons un à un dans cette salle d’à côté, où repose celle qui nous rassemble. Elle a le visage libéré, et ravagé à la fois par ce passage vers l’absence du monde. La mort dessine sur nous tous l’impensable. Signe-t-elle dans ce franchissement dernier une ultime victoire ?

C’est quelques années plus tôt, nous sommes quelques-uns devant sa maison, dans la si belle douceur de l’été, les feuilles bruissent, murmurent, la lumière caresse nos visages autour de la table. Elle apporte le thé, nous parlons des livres, de la peinture, de la beauté du monde qu’on ne peut saisir qu’à grand peine, de ce qui reste toujours caché au regard. L’air est si doux ce jour-là, comme nimbé d’une légèreté qui nous dépasse, qui laisse en nous des alluvions qu’on ne voit pas, qui font à notre insu comme de la nourriture pour les routes à venir.

Ce soir, le vent froid de l’hiver court sur la terre, il cherche à devenir au mieux le vent ultime, pour que les hommes qui l’écoutent croient qu’il chante.

Écriture le 09/12/24