Il n'y a jamais...
Poème (Rémy Prin)
Détail d'un khatchkar
Gochavank (Arménie)
Panneau de soie, ikat chaîne
Boukhara, Ouzbékistan
Tissu de flammé, ikat trame
Charentes, France
Bestiaire au portail sud
Aulnay
Les églises du monastère
Noravank d'Amaghou (Arménie)
Pua kumbu, ikat chaîne
Iban, Sarawak, Malaisie
Visage
San Juan de la Pena (Aragon, Espagne)
Fresques de l'abside
Kobayr (Arménie)
Détail d'un sarong, ikat chaîne
Sikka, Flores, Indonésie
Nous tentons...
Poème (Rémy Prin)
Motif à l'araignée, ikat trame
Okinawa, Japon
Voussure du portail
Foussais
Détail d'une robe, ikat chaîne
Urgut, Ouzbékistan
Coiffe de deuil
Mazières sur Béronne
Hinggi kombu, l'arbre à crânes, ikat chaîne
Kaliuda, Sumba, Indonésie
Saintongeoise
Détail de la coiffe
Carré du marais
St-Hilaire la Palud

Ce qui a duré
dans la mémoire des hommes,
ce qui fait culture,
paysages de la terre
ou pays de l'esprit,
ce qui peuple le voyage,
les vies, la plénitude,
le patrimoine, ce n'est rien
que ce lien fragile
de ce que nous sommes
à ce que nous devenons.

Montée des périls

On ne sait pas si c’est, dans le temps qui va, une illusion ou l’évolution tangible du monde. Si c’est l’usure des années qui corrode le regard, ou ce qui se défait, qui vous atteint comme une certitude.

La montée des périls, ce qu’on ressent, telle celle des eaux, dans l’implacable des océans qui gonfleraient, gagnant inexorablement les terres, remontant les rivières, et nous, sans pouvoir, l’œil hagard, corps inquiet.


Cette montée-là, des périls, s’immisce plus encore dans les corps que celle des eaux mêmes. On a l’image en soi du déluge, du recouvrement de toutes choses, du nettoyage peut-être enfin, de l’expulsion du mal et de la tragédie. On a des images d’enfance, du châtiment d’un dieu vengeur, ce qui tient un peu des légendes qui font peur le soir, dans la pénombre. Mais aujourd’hui, le soir, on se dit que les glaciers qui fondent et toute cette symbiose du vivant qu’on dérègle à tout va, ne tient qu’aux hommes, qu’ils n’auront pas besoin de Dieu pour qu’advienne ce qu’ils nomment l’apocalypse. Apocalypse, en souvenir d’un récit de jadis qui leur a fait peur, qui pourtant se voulait seulement une annonce, un dévoilement poétique de ce à quoi travaillent les hommes.


Montée des périls, lancinante, qui mine les paroles et les intelligences. Ce peu d’espace pour le sens ou l’amour. Toute croyance déconstruite. Et les faux-semblants de tout discours public. Ceux qui nous mènent savent cela, le trou noir au devant, mais plus de courage, plus de sursaut, plus d’idées. À quoi travaillent les hommes ? À consommer la terre, à la dissoudre lentement. On se demande ce qui nous reste, ce qu’on peut tenter de préserver dans nos paroles proches, dans nos gestes, ce qui fait culture entre nous, fraternité, cet intime lien à l’autre vivant, à l’improbable.


Maintenant que nous avons empli l’espace, presque tout épuisé, que reste-t-il, au seuil dévoilé de la finitude ? Nous avons traversé notre impuissance, souffert du bien commun qui nous manque. Nous quémandons dans l’histoire en lambeaux une renaissance, qui ferait entre le sens et l’amour une place. Dans ce temps des périls qui viennent et suintent des angoisses.

Écriture en mai 2021

 

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