Fresques de l'abside
Kobayr (Arménie)
Détail d'un khatchkar
Gochavank (Arménie)
Motif à l'araignée, ikat trame
Okinawa, Japon
Hinggi kombu, l'arbre à crânes, ikat chaîne
Kaliuda, Sumba, Indonésie
Voussure du portail
Foussais
Visage
San Juan de la Pena (Aragon, Espagne)
Détail d'une robe, ikat chaîne
Urgut, Ouzbékistan
Coiffe de deuil
Mazières sur Béronne
Panneau de soie, ikat chaîne
Boukhara, Ouzbékistan
Saintongeoise
Détail de la coiffe
Il n'y a jamais...
Poème (Rémy Prin)
Tissu de flammé, ikat trame
Charentes, France
Détail d'un sarong, ikat chaîne
Sikka, Flores, Indonésie
Bestiaire au portail sud
Aulnay
Carré du marais
St-Hilaire la Palud
Pua kumbu, ikat chaîne
Iban, Sarawak, Malaisie
Nous tentons...
Poème (Rémy Prin)
Les églises du monastère
Noravank d'Amaghou (Arménie)

Ce qui a duré
dans la mémoire des hommes,
ce qui fait culture,
paysages de la terre
ou pays de l'esprit,
ce qui peuple le voyage,
les vies, la plénitude,
le patrimoine, ce n'est rien
que ce lien fragile
de ce que nous sommes
à ce que nous devenons.

C'est une photo

C’est une photo, de celles que tu as gardées, un petit carré de papier ivoire aux bord gaufrés,

une photo d’avant celles d’aujourd’hui, qu’on rangeait dans les tiroirs ou un classeur, qui laissait trace, qu’on retrouve, qui a marqué le temps.

Et c’est le temps d’avant notre rencontre, c’est une plage, vers La Bernerie je crois, il y a des petits rochers où tes amies et toi, vous êtes montées. Pourquoi, depuis des décennies, quand tu m’as décrit cette photo, l’ai-je gardée en moi comme un repère, bien loin sans doute de sa réalité ? Pourquoi le temps fait-il halte parfois, insufflant en nous-mêmes des signes inachevés qui scintillent encore, dans la brume opaque des mémoires ?

Vous êtes là, quelques-unes, dans l’adolescence épanouie, ouvertes d’un désir à vivre qui me comble à chaque fois que je pense à cette image, un peu désuète, un peu fanée pourtant. Il y a là – mais je ne suis pas bien certain – tes compagnes des années d’études, G. la plus proche, qu’on retrouvera après de longues années, et puis M.F. et J. peut-être, et toi au milieu d’elles. Toutes avec une sorte d’évidence du vivant, d’innocence absolue devant l’objectif qui m’a sans doute ému lorsque j’ai vu l’image la première fois – et je ne me souviens pas t’avoir demandé qui tenait l’appareil.

Voilà, vous souriez, à l’unisson du monde. Ce n’est rien qu’un simple jalon des vies, vous ne savez pas que vous garderez longtemps cette photo, vous souriez à vous-mêmes, au monde qui vient, c’est comme un acquiescement sans conditions, vos corps dans la douceur du sable de la plage, vos corps sans apprêts, un instant simple comme l’éternité.

Je ne saurai jamais rien de cet instant, des paroles entre vous, de ce qui s’est forgé là, que vous avez chacune tendu dans vos années ensuite. Peut-être au fil des années, quelquefois, vous penchez-vous vers cette photo parmi d’autres, en feuilletant le temps, comme rarement on guette dans sa vie les bribes de la cohérence qu’on voudrait avoir vécue. Et c’est dans le silence sans doute que vous cherchez dans la mémoire le bonheur inachevé de se retrouver là, quelques-unes proches, dans ce qu’on ne sait pas encore être la fraternité. Je vous vois dans ma tête, sans même le toucher, le papier d’ivoire me transfigure encore. Sais-tu ce que tu m’as donné, qui nous dépasse tous deux, et jalonne les vérités du temps ?


Pour Gaby, lectrice fidèle

Écriture 12 janvier 2022

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