Les églises du monastère
Noravank d'Amaghou (Arménie)
Détail d'un khatchkar
Gochavank (Arménie)
Motif à l'araignée, ikat trame
Okinawa, Japon
Hinggi kombu, l'arbre à crânes, ikat chaîne
Kaliuda, Sumba, Indonésie
Nous tentons...
Poème (Rémy Prin)
Visage
San Juan de la Pena (Aragon, Espagne)
Carré du marais
St-Hilaire la Palud
Il n'y a jamais...
Poème (Rémy Prin)
Saintongeoise
Détail de la coiffe
Pua kumbu, ikat chaîne
Iban, Sarawak, Malaisie
Détail d'un sarong, ikat chaîne
Sikka, Flores, Indonésie
Détail d'une robe, ikat chaîne
Urgut, Ouzbékistan
Coiffe de deuil
Mazières sur Béronne
Bestiaire au portail sud
Aulnay
Voussure du portail
Foussais
Tissu de flammé, ikat trame
Charentes, France
Fresques de l'abside
Kobayr (Arménie)
Panneau de soie, ikat chaîne
Boukhara, Ouzbékistan

Ce qui a duré
dans la mémoire des hommes,
ce qui fait culture,
paysages de la terre
ou pays de l'esprit,
ce qui peuple le voyage,
les vies, la plénitude,
le patrimoine, ce n'est rien
que ce lien fragile
de ce que nous sommes
à ce que nous devenons.

Chemins du vivant

Fragments d'un monde inquiet

Pluie d’hiver, tout le jour. La pluie fait le gris sur le monde, je vois au loin le rideau d’arbres qu’elle efface presque.

Horizon proche, terme de la vision, la pluie révèle la solitude, elle tombe sur la terre, imprécise, utile et lourde. La pluie fait peu de bruit sur le monde, elle incite à la bienveillance, à l’extrême modestie de toute parole. Je ne vois rien au loin, sauf ce voile qui nous enveloppe tous. Qui ne cherche sous la pluie de l’hiver l’issue, la brèche, qui laisserait surgir ce qu’on pourrait nommer lumière, ou transparence ? Ou peut-être même une rumeur humaine ? La pluie s’installe qui couvre les mémoires sur la terre, elle qui la reçoit dans son plein corps de terre et qui attend.

On se raccroche au monde à travers les images qu’on multiplie seconde à seconde. La neige – si rare ici maintenant – qui pourrait venir dans ces jours, les grands chantiers de l’année qui vient, les valeurs dans les bourses du monde, les experts qui livrent leurs prévisions sur les guerres, sur le climat, sur tout ce qu’on peut prévoir – il faut bien rassurer, colmater les béances, endormir ceux qui voudraient veiller.

On ne discerne plus rien du monde, sauf ce flux qui grossit, envahissant, qui submerge le réel plus qu’il ne le révèle. Les écrans sont bien pires que l’enveloppe de pluie qui nous isole, ils noient tous les instants et tous ceux qui regardent ou presque, dans ce perpétuel recyclage, bruit de fond insensé, matière visuelle et sonore, virtuelle, nourrie d’elle-même, et qui n’offre à l’humain ni sens, ni projet, ni même échappatoire. Les écrans du monde changent toujours mais ne mènent nulle part, ils n’existent qu’en leur reflet, qu’en la montée de l’horreur qui les fascine. Les écrans cherchent à nous contaminer, à nous soumettre.

Parfois, loin dans les dédales de la toile, il y a des paroles vives qui surgissent, des questions qui éclairent ou façonnent. On se retrouve comme au sein de la terre, au creux de cette humanité fragile qui cherche, au sein de la rencontre. Et l’écriture fait comme des vagues de tendresse. On voit les arbres à l’horizon de la colline, qui tentent d’ériger leur soif de vivre à l’aune de l’hiver et de la pluie. On comprend qu’ils font partie de nous, de notre aventure jour à jour. On a besoin de leurs tangibles ramures soumises au vent, de la pluie qui les transcende et les révèle. On sait que le chant des hommes a besoin de la terre. Mais eux, ceux qui tiennent les rênes sur les écrans, ont oublié l’humilité. Et ce qui tisse la vie, entre les arbres et nous, dedans la pluie de l’hiver, tout le jour, dans l’immensité familière de tous les paysages.

Écriture le 02/01/25

C’est l’automne. Dans cette terre à l’écart
des villages de Saintonge,

au gré de la lumière qui décline si lentement
que le corps même ne le perçoit qu’à peine,
on cherche doucement ce qui pourrait
tisser des rêves d’espérance.

On ne cherche pas vraiment pourtant,
le quotidien des gestes dans la maison, dans le jardin
peuple le temps, inscrit toute la vie
comme au firmament de ce qui est gagné sur la mort.
La pluie tombe sur les vitres,
elle chante à sa façon le dialogue
qu’on a commencé avec la terre il y a bien longtemps,
la lumière s’efface sous les nuages,
on croirait que les temps changent.

Ce qui pourrait tisser des rêves d’espérance,
les sourires des enfants,
les courbes si fines au corps des femmes,
le soleil même de biais sur les façades
ou le vol en nuage léger des oiseaux…

C’est l’automne, on guette le devenir du monde
comme des êtres perdus par ce qui les dépasse
entre la douleur et la confiance
sans trop chercher, sans trop savoir.

Écriture 24/09/24