Noradouz
Détail d'un khatchkar
Aghitou
Une pierre tombale
Sevan
L'église des Saints Apôtres et le lac
Noradouz
Le troupeau qui rentre au village
Gochavank
Tympan • Chapelle de l'Illuminateur
Gochavank
Le monastère vu du bas de la colline
Yovhannavank
Église St-Jean-Baptiste • Le tympan, parabole des vierges
Moro dzor
Chemin dans le village
Edjmiadzin
Église Shoghakat • Détail de la façade ouest
Haghbat
Église St-Signe • Les donateurs, Sembat le roi et son frère Gourguen
Erevan
Manuscrit au Matenadaran
Geghard
Des femmes vendant leurs gâteaux
Tegher
Croix sur les pierres de la façade
Ketcharis
Le bac à bougies
Ererouk
Restes de la façade
Bjni
L'église Saint-Serge
Makaravank
Église principale • Motif polylobé
Kobayr
Visage du Christ de l'abside
Tatev
Motif sur le tambour de la coupole
Areni
Pierre tombale près de l'église

Terre perdue
dans l'entre monde
peuple dispersé
comme jamais témoin
de notre devenir.


Terre précaire
depuis toujours
entre la résistance
et l'universel.

Juste une famille arménienne partage avec nous le pensionnat ce soir. La jeune fille est inscrite à la faculté de mécanique d'Erevan. Ils sont à se reposer quelques jours. Tous sont avides d'informations "Pourquoi vous êtes venus ici?... Où sont les Arméniens en France?... Est-ce que vous connaissez Charles Aznavour?..." Sona tisse au mieux le dialogue, dans ces propos légers où derrière l'apparence, l'autre voudrait atteindre une démarche qui lui échappe. Pourquoi l'Arménie? Sait-on pourquoi le voyage vraiment, ce qui fait le désir des nouvelles terres ou des nouveaux visages? Est-ce autre chose qu'une disponibilité dans le regard, une fois le pays d'où l'on vient oublié, lavé par le ressac d'une autre lumière?

La fraîcheur de l'air se fait plus perceptible et nous rentrons. Les deux vieilles femmes douces et tristes qui tiennent le pensionnat nous servent un repas simple, somptueux, en droite ligne de la mémoire de cette terre: choux mariné dans les épices, du Lori le fromage salé en fines tranches, l'omelette aux tomates et le yoghourt au lait de buffle qu'on nous fait goûter pour "savoir si on aime".

Le soir, à l'étage, nous nous retrouvons tous deux sur le petit balcon. Tu lis dans ce qui reste de lumière, je prends des notes rapides, peur d'oublier, peur de perdre cet émerveillement de la nuit qui arrive. Les bruits au dehors qui s'amenuisent, qui se distinguent mieux maintenant, sur un chemin proche une carriole sans doute tirée par un âne, en bas des hommes s'affairent à décharger le foin d'une remorque, un vieux tracteur au loin, qui manœuvre encore. Tu as ramené tes jambes sur les miennes, nous nous taisons. Longtemps, le temps s'arrête, empli du rien de cette nuit qui monte, nos corps plus ensemble s'il se peut qu'après l'amour.

Au matin, dans le grand silence du pensionnat presque désert, yoghourt, lavash et miel: l'entrée dans la splendeur du monde.