Tegher
Croix sur les pierres de la façade
Noradouz
Détail d'un khatchkar
Noradouz
Le troupeau qui rentre au village
Sevan
L'église des Saints Apôtres et le lac
Edjmiadzin
Église Shoghakat • Détail de la façade ouest
Tatev
Motif sur le tambour de la coupole
Kobayr
Visage du Christ de l'abside
Makaravank
Église principale • Motif polylobé
Aghitou
Une pierre tombale
Gochavank
Le monastère vu du bas de la colline
Erevan
Manuscrit au Matenadaran
Gochavank
Tympan • Chapelle de l'Illuminateur
Geghard
Des femmes vendant leurs gâteaux
Bjni
L'église Saint-Serge
Ketcharis
Le bac à bougies
Areni
Pierre tombale près de l'église
Ererouk
Restes de la façade
Moro dzor
Chemin dans le village
Haghbat
Église St-Signe • Les donateurs, Sembat le roi et son frère Gourguen
Yovhannavank
Église St-Jean-Baptiste • Le tympan, parabole des vierges

Terre perdue
dans l'entre monde
peuple dispersé
comme jamais témoin
de notre devenir.


Terre précaire
depuis toujours
entre la résistance
et l'universel.

Deux heures d'images ce soir, complexité des mille histoires, des fragments de violence. Une scène soudain qu'on tourne, c'est d'une fenêtre, on voit sur la place en bas du village dévasté un groupe de femmes nues que des soldats font danser en rond, l'insoutenable des corps, des cris, et puis un homme qui s'approche et les aspergent d'essence, l'horreur du brasier. Tension de nos corps, images violentes qui creusent, qui nous ébranlent. Fin du film, je cours dans le bureau, je cherche dans cette anthologie achetée à Erevan, je lis le texte à haute voix:

"Dansez ! hurlait la canaille ;
Jusqu'à la mort il vous faut danser ô belles infidèles,
Vos poitrines découvertes, vous allez danser, sans plainte et souriantes
Pour vous, pas de fatigue et non plus de pudeur,
Vous êtes des esclaves, dansez, belles et nues,
Dansez jusqu'à la mort, lubriques et lascives,
Nos yeux ont soif de vos formes et de votre mort...
Les vingt jeunes femmes pleines de grâce, accablées, s'écroulèrent ;
Debout ! crièrent-ils, agitant leurs bras nus comme des serpents ;
Puis quelqu'un apporta du pétrole dans une cruche...
O justice de l'homme, je te crache au visage !
Dansez ! hurlèrent-ils, voici un parfum tel
Que l'Arabie elle-même n'en possède pas de pareil ;
Puis avec une torche ils mirent le feu aux corps nus des jeunes femmes,
Et les cadavres ainsi roulèrent de la danse dans la mort...
65"

 

Siamanto écrit dans le poème son effroi, nous sommes en 1910, quelle est la référence, dans le long martyre de son peuple, les massacres de 1894-1896 ou ceux d'Adana en 1909? Agoyan reprend le récit, l'interprète à nouveau, nous sommes en 1915, non nous sommes en 2002, et c'est un film qui cherche à recoudre les mémoires, qui met en images des textes, qui dit d'un même mouvement la violence racontée et l'ambiguïté de toute image, de tout récit qui la relate.

Y a-t-il une identité qui ne soit pas meurtrière66? Et encore: reconnaître le meurtre, est-ce le premier geste, ce qui ferait culture pour aujourd'hui? Patrimoine à l'extrême, objets d'histoire, d'art, bâtiments, lieux, paysages même, cela qu'on préserve sur la planète, qu'on met en musées, en images, vagues sur vagues de représentations dans les réseaux du monde. L'admirable de tous les patrimoines, les facettes chatoyantes des cultures, et cette face d'ombre qui les sous-tend. Résistants qui deviennent vainqueurs, ceux qui restent vaincus, opprimés, qui peut se targuer d'une histoire où la repentance ne serait pas requise? Hemaïak, à Kirants, lors du long chemin du retour: "Avant, il y avait des Azéris ici et nous aussi étions chez eux. C'est sûr, il y a eu des morts inutiles... Ce que nous voulons, c'est juste le droit d'être nous-mêmes."

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65 Siamanto, La danse, traduction Marc Delouze, in Poésie Arménienne, Anthologie, op.cit. Siamanto, de son vrai nom Atom Yarjanian est tué en 1915.
66 Amin Maalouf, Les identités meurtrières, Livre de Poche (1998)