Kobayr
Visage du Christ de l'abside
Yovhannavank
Église St-Jean-Baptiste • Le tympan, parabole des vierges
Ketcharis
Le bac à bougies
Gochavank
Le monastère vu du bas de la colline
Sevan
L'église des Saints Apôtres et le lac
Bjni
L'église Saint-Serge
Geghard
Des femmes vendant leurs gâteaux
Noradouz
Détail d'un khatchkar
Areni
Pierre tombale près de l'église
Makaravank
Église principale • Motif polylobé
Edjmiadzin
Église Shoghakat • Détail de la façade ouest
Ererouk
Restes de la façade
Moro dzor
Chemin dans le village
Gochavank
Tympan • Chapelle de l'Illuminateur
Haghbat
Église St-Signe • Les donateurs, Sembat le roi et son frère Gourguen
Aghitou
Une pierre tombale
Tatev
Motif sur le tambour de la coupole
Tegher
Croix sur les pierres de la façade
Erevan
Manuscrit au Matenadaran
Noradouz
Le troupeau qui rentre au village

Terre perdue
dans l'entre monde
peuple dispersé
comme jamais témoin
de notre devenir.


Terre précaire
depuis toujours
entre la résistance
et l'universel.

Le lendemain matin Sona vient nous rejoindre. Bien mise comme toujours, son sourire l'éclaire, de cette lumière intense qui par moments révèle des pans fugaces de tristesse. Nous prenons le métro au bout de longs escalators. Puis une marche lentement, Sona parle de l'université, des chercheurs qui vivent si difficilement maintenant, de cette étude qu'elle voudrait faire sur la poésie de France.

Lumière et soleil du matin qui rendent plus présents les arbres, les façades d'immeubles, l'ampleur des trottoirs où peu de gens vont et viennent encore. Elle parle à mots comptés, de son sourire retenu, elle dit l'enseignement ici, difficile, précaire. Tout son corps soudain qui s'éclaire: oui, sa fillette de sept ans apprend l'arménien, le russe, le français déjà et l'anglais un peu... "C'est nécessaire maintenant, pour essayer de réussir." Elle sait bien ce qu'il faudra pour survivre dans ce monde global qu'elle voit venir, elle a peur pour cette culture qui la constitue, à peine libre, si peu puissante ("On n'est que trois millions, dit-elle, ce n'est rien dans le monde"), et déjà soumise à des vents qui risquent de l'engloutir.

Erevan, avenue Mesrop Machtots, publicité
'...l'inventeur de sa langue comme signe de modernité...'

 

Nous retrouvons l'avenue Mesrop Machtots. Panneau publicitaire sur la place, on y voit la statue de Machtots, qui porte un écran d'ordinateur où s'affichent des caractères arméniens, tandis que son élève tient le clavier. C'est la première phrase célèbre de la Bible traduite en arménien: "Connaître la sagesse et les conseils, savoir les faits accomplis par les génies."

 

Étrange culture arménienne qui propage aujourd'hui l'inventeur de sa langue comme signe de modernité. Étrange récit fondateur aussi que cette invention. L'église et le roi, qui en cette fin de IVe siècle comprennent qu'il faut une langue écrite pour que le peuple s'approprie les textes saints, mais aussi que l'Arménie échappe au grec, au syriaque, au perse, et se développe ainsi comme nation.

L'église et le roi, qui confient au sage Mesrop Machtots cette mission. Et Mesrop va enquêter auprès de sages des contrées voisines, fait des essais infructueux. Il se retire pour prier. "Alors il aperçoit, non pas dans un songe en sommeil ni dans une vision en état de veille, mais dans l'atelier de son cœur, apparaissant aux yeux de son âme, le poignet d'une main droite écrivant sur une pierre ; et, de même que des traces s'impriment sur la neige, la pierre retenait toutes ces formes assemblées.59"

Première histoire, qui affirme comme délibérée cette décision d'existence à travers la langue, que Mesrop créera à partir à la fois du grec et du syriaque sémitique, l'Occident et l'Orient encore une fois mêlés.

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59 Moïse de Khorène, Histoire de l'Arménie, traduction Annie et Jean-Pierre Mahé, Gallimard (1993). Moïse, un des premiers historiens de l'Arménie, écrit sans doute vers la fin du Ve siècle.